Émile Nelligan
(note publiée le 11 février 2020)
Connaissez-vous Émile Nelligan ? Probablement oui si vous êtes de la Belle Province ; dans le cas contraire, je parie que non et c'est bien dommage. Rassurez-vous : j'étais dans le même cas naguère.Il est des hasards heureux. Avant chacune des Rencontres poétiques, le premier mardi du mois place des Terreaux à Lyon, je prends un moment pour aller fouiner à la Bourse, rue Lanterne, près des Terreaux justement. Il s'agit d'une librairie qui propose nombre de livres d'occasion à prix réduits. Ce mardi de février, en farfouillant au rayon poésie, je suis tombé sur un petit bouquin issu de la « Bibliothèque franco-canadienne », imprimé à Montréal pour les éditions Fides le 27 août 1974. Son titre : « Émile Nelligan, Poèmes choisis ».


Émile Nelligan, en tout cas dans le recueil de ses poèmes choisis trouvé à Lyon, avait de toute évidence un goût marqué pour le sonnet et son sonnet le plus célèbre est « Le Vaisseau d'or ». Le voici. Ce fut un grand Vaisseau taillé dans l'or massif :
Ses mâts touchaient l'azur, sur des mers inconnues ;
La Cyprine d'amour, cheveux épars, chairs nues,
S'étalait à sa proue, au soleil excessif.
Mais il vint une nuit frapper le grand écueil
Dans l'Océan trompeur où chantait la Sirène,
Et le naufrage horrible inclina sa carène
Aux profondeurs du Gouffre, immuable cercueil.
Ce fut un Vaisseau d'Or, dont les flancs diaphanes
Révélaient des trésors que les marins profanes,
Dégoût, Haine et Névrose, entre eux ont disputé.
Que reste-t-il de lui dans la tempête brève ?
Qu'est devenu mon cœur, navire déserté ?
Hélas ! Il a sombré dans l'abîme du Rêve ! Certes, c'est un sonnet irrégulier (les rimes ne sont pas identiques d'un quatrain à l'autre) mais qu'importe ? Ce poème vous parle-t-il ? Mieux, vous séduit-il ? Si oui, il ne vous reste plus qu'à partir à la recherche des livres de ce poète québécois trop ignoré en France : Émile Nelligan.