La belle amie
(note publiée le 18 juillet 2023)
Au gré de mes errances dans les magasins « où l'on trouve de tout », bouquins compris, j'ai déniché certain jour un coffret de trois jolis livres intitulé : « Les plus grands classiques de la Poésie Chinoise ». Ces ouvrages sont publiés par « China Intercontinental Press ». Ils sont abondamment (et fort agréablement) illustrés, imprimés sur du papier qui rappelle le papier pelure et signés de Xu Yuanchong, lettré notoire, professeur à l'université de Pékin et auteur d'une cinquantaine d'œuvres littéraires en chinois, anglais et français. Il a aussi traduit plusieurs classiques français en chinois.Né en avril 1921, ce vénérable monsieur est décédé centenaire le 17 juin 2021.
Le premier de ces trois opus, « Poèmes choisis et illustrés du Livre de la Poésie » (ou « Shi Jing »), date du VIe siècle avant J.-C. ; c'est un contemporain de l'Iliade et de l'Odyssée. La paternité de ces textes est attribuée à Confucius lui-même.
C'est le premier des poèmes de ce livre qui m'a incité à publier cette courte note.
Ce poème est appelé « La belle amie » et je trouve que la traduction de Xu Yuanchong est une vraie merveille. Traduire est en soi un acte périlleux ; aussi, imaginez ce que peut donner la traduction d'un poème (bien plus ardu à traduire que de la prose) et, de plus, du chinois au français... Xu Yuanchong a réussi l'exploit de proposer un poème qui sonne fort bien dans la langue de Molière. Faute de maîtriser un tant soit peu le chinois, je ne peux évidemment savoir à quel point il s'est éloigné de l'original mais qu'importe, le poème obtenu est une réussite. Je ne saurais trouver les mots justes pour expliquer cela ; je trouve que ce poème porte en lui tout l'esprit de la poésie chinoise dans le respect des règles essentielles de la poésie française. Songez que ce poème est parfaitement métré (en vers de quatre syllabes) et tout aussi bien rimé ! (Les chipoteurs qui la ramèneraient avec l'alternance des rimes masculines et féminines sont priés d'aller voir ailleurs si j'y suis).
Voici le texte de « La belle amie ».
Au bord de l'eau
Crient deux oiseaux ;
L'homme a envie
De belle amie.
Le cresson roule
Dans l'eau qui coule ;
On fait la cour
De nuit et jour.
L'amie refuse ;
L'homme s'accuse,
Il tourne au lit
De-là, de-ci.
Que l'amant cueille
Les longues feuilles !
Qu'il joue la lyre !
L'amie l'admire.
Qu'on mange longs
Ou courts cressons !
La cloche sonne ;
L'amie se donne.
Inutile d'en dire davantage ; je laisse le lecteur sur l'impression que lui aura faite ce poème.