Variations sur Tristan et Iseult
« Bele amie, si est de nus :
Ne vuz sanz mei, ne mei sans vus. »
Ne vuz sanz mei, ne mei sans vus. »
Marie de France, lai du Chevrefoil, v. 77-78



Extrait du tableau de Edmund Blair Leighton (1852–1922) : The End of The Song (1902)
« On dit que les amours parfaitesN'existent pas sur cette Terre,
Or les nôtres, divine fête,
Sont sans faille, étonnant mystère.
Belle amie, c'est ainsi de nous :
Ni vous sans moi, ni moi sans vous.
Je ne saurais vous rendre heureuse
D'un cœur que l'amour bouleverse :
Honte soit aux amours peureuses,
Honte à l'amant qui tergiverse !
Belle amie, c'est ainsi de nous :
Ni vous sans moi, ni moi sans vous.
Vous me chérissez, dame aimante
Et moi je vous sers, cœur fidèle.
Il n'est point d'oubli pour l'amante
Et son amant n'est rien loin d'elle.
Belle amie, c'est ainsi de nous :
Ni vous sans moi, ni moi sans vous.
Vivre sans vous, quelle chimère !
Nous sommes faits pour être ensemble,
Je vous ferai femme puis mère
Si Dieu le veut, si bon vous semble.
Belle amie, c'est ainsi de nous :
Ni vous sans moi, ni moi sans vous.
Votre mère est magicienne,
Maîtresse d'ondes impalpables,
Mais seul Angus avec les siennes
D'aimer sait rendre un cœur capable.
Belle amie, c'est ainsi de nous :
Ni vous sans moi, ni moi sans vous.
Nous aimerions pour quelque philtre
Naguère bu, pauvre servage...
Peut-être mais l'amour s'infiltre
Aussi dans les cœurs sans breuvage.
Belle amie, c'est ainsi de nous :
Ni vous sans moi, ni moi sans vous.
Ils ne se fient qu'aux apparences,
Ceux-là qui – tant mieux ! – n'y voient goutte,
Que soit bénie leur ignorance :
Nous nous aimons sans qu'ils s'en doutent.
Belle amie, c'est ainsi de nous :
Ni vous sans moi, ni moi sans vous.
Votre époux, que Dieu le préserve,
Ne saura rien de notre flamme.
Ah, que l'avenir nous réserve
Qu'il s'éprenne d'une autre femme !
Belle amie, c'est ainsi de nous :
Ni vous sans moi, ni moi sans vous.
Je châtierai ceux qui médisent ;
Les médisants sont gens infâmes,
Ils agissent par couardise
Et jalousent ceux qu'ils diffament.
Belle amie, c'est ainsi de nous :
Ni vous sans moi, ni moi sans vous.
Je combattrai, soyez sans crainte,
Les gens s'ils veulent notre perte,
Ils relâcheront leur étreinte,
Ma mie en étreintes experte.
Belle amie, c'est ainsi de nous :
Ni vous sans moi, ni moi sans vous.
Dieu préfère les gens qui s'aiment
À ceux qui ont cœur de faussaire,
Gloire à celles et ceux qui sèment
L'amour pourvu qu'il soit sincère.
Belle amie, c'est ainsi de nous :
Ni vous sans moi, ni moi sans vous.
— Bel ami, vos propos sans doute
Sont si bons, si doux à entendre
Qu'à vos côtés rien ne redoute.
À quoi d'autre puis-je prétendre ?
Aimons-nous sans contredit : est-ce,
Ami, quelque mise en demeure ?
Oui ! Aimons-nous tout hardiesse
Jusqu'à la mort, s'il faut qu'on meure.
Rien avec vous ne me tourmente,
Le bonheur d'être votre amante
Me ravit, fabuleux prodige
De l'amour ; aussi bien vous dis-je,
Bel ami, le cœur en émoi :
Ni moi sans vous, ni vous sans moi. »
Annonay, (date)


