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Lucidité

(note publiée le 28 avril 2019)
Jean-Louis Servan-Schreiber, dans « Fragments de lucidité » (paru au Livre de Poche) parle avec humour (et... lucidité) du statut de l'homme (ou de la femme) de plume, dans son chapitre 12, p. 75, « Où l'on se demande à quoi sert d'écrire ».

En voici quelques extraits. Qu'ajouter de plus à ces fragments de lucidité ? Fragments de lucidité

Où l'on se demande à quoi sert d'écrire
Écrire n'est pas une préoccupation universelle. À part les SMS et les messages électroniques, on s'en passe de plus en plus. Mais ceux qui lisent ces lignes, par définition, aiment les mots. Derrière chaque lecteur rêve un auteur potentiel ou frustré. Pour aborder ce dont il sera question ici, nous sommes donc entre nous. Difficile d'aller plus loin sans mettre en exergue l'injonction radicale de Rilke à un jeune poète : « N'écrivez que si vous ne pouvez pas ne pas écrire ». (...)

Il m'arrive de penser qu'écrire est une névrose bénigne qui n'a pas d'inconvénients pour les autres, puisque la plupart s'abstiennent de me lire. Je passe sur les minuscules retombées de notoriété, de contacts humains ou de rentrées financières qui en découlent. Elles ne suffiraient évidemment pas à justifier les heures et les jours investis à cette tâche. (...)

Miser sur une notoriété fugitive ou une trace durable serait un péché contre la lucidité, une naïveté de plus. Ce ne peut pas être la vraie justification de cet acte de scribe, dont tant d'autres se passent allègrement. (...)

Quant aux livres, leur taux de rémanence à la mémoire est à peine supérieur. Ils ne trouvent de sens qu'auprès de quelques personnes qui veulent bien me lire, et dans les semaines qui suivent leur publication. (...)

Quand j'ai l'intention d'écrire, j'évite d'entrer dans une librairie. La vue des milliers de titres qui débordent des rayonnages suffirait à rendre dérisoire toute velléité d'en ajouter un nouveau.

Pourquoi écrit-on ? Je l'ai dit, d'abord pour soi et pour répondre à un besoin, comme on fait de l'exercice physique pour entretenir son corps et rester plus longtemps en forme. J'écris pour jouer avec les mots, plaisir qu'à mes yeux aucun jeu vidéo ne pourra égaler. Pour mettre un surcroît de sens dans toute journée. Pour m'estimer moi-même, puisque je me jugerais sans aménité si je faisais un refus d'obstacle au pied de la page blanche. Pour entretenir avec ceux qui comptent à mes yeux un lien de plus, sans insister pour qu'ils me lisent ; ce serait lourd. Pour me donner l'illusion d'éviter la trivialité. Pour tenter de formuler des idées, plutôt que de les laisser dans le nuage de l'inexprimé. Pour faire partie d'une communauté valorisée, bien qu'en déclin, celle des auteurs. (...)

Quel noircisseur de pages croit vraiment que son message est de nature à faire progresser l'humanité ?