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POÉSIES DE MON CŒUR (a) POÉSIES DE MON CŒUR (i)
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Hiatus, y es-tu ?

(note publiée le 6 septembre 2020)
Ah, les hiatus (lire : lé-z-i-a-tus') ! Que de tracas, que de tourments ont-ils apportés aux poètes de tous bords ! En tout cas, aux poètes soucieux de l'harmonie de leur versification... Mais au juste, pourquoi tant de problèmes et d'abord, qu'est-ce qu'un hiatus ?

Un hiatus, c'est, selon le Robert en 6 volumes, la « Rencontre de deux voyelles, de deux éléments vocaliques, soit à l'intérieur d'un mot (aérer, géant...) soit entre deux mots énoncés sans pause (il a été). ». Les hiatus La langue française est riche d'hiatus ; nombre de mots, à commencer par... hiatus lui-même, contiennent un hiatus. Le Robert cite aérer et géant mais il est facile au lecteur d'allonger la liste : nuage, aïeul, zoo, boa, Louis, réaliser, ouvrier, etc. Or, l'hiatus, longtemps passé quasi inaperçu en poésie, a fini par se faire remarquer pour ce qu'il serait, soit disharmonieux, soit difficile à lire, soit les deux.

Il faut reconnaître que certains hiatus ne sont pas des plus jolis. Malherbe l'avait sans doute noté, qui a proscrit l'hiatus. Mais le bonhomme a dû déchanter. Parce que bannir l'hiatus aurait entraîné la suppression d'une quantité considérable de mots. Il lui a fallu en rabattre et exclure – ce fut le début d'une longue série d'exceptions – les hiatus à l'intérieur des mots. Quant à ceux que l'on forme en associant deux mots, là encore, les supprimer radicalement aurait rendu l'écriture quasi impossible. Pour le coup, la définition de l'hiatus selon Malherbe est devenue complètement artificielle et donc sans rapport avec la réalité.

Le poète Jacques Charpentreau, dans son « Dictionnaire de la poésie française », définit l'hiatus comme il se doit mais avec une nuance de taille ; il parle en effet de la « rencontre désagréable de deux voyelles » et donne en exemple : « Je vais à Athènes ». Outre que l'exemple en question ne me paraît nullement « désagréable », cette notion n'est en aucun cas liée à l'hiatus. Ce n'est qu'une question de jugement. Convenons plutôt qu'en poésie, l'hiatus doit être évité s'il est désagréable. Et c'est bien là que le bât blesse. Beaucoup de poètes font fi de l'hiatus et l'emploient – sans même s'en rendre compte !

Comment l'auteur de ces lignes traite-t-il les hiatus ?

On l'aura compris, je ne traque pas systématiquement les hiatus. Je veille, à l'écriture, parfois à la relecture, à éviter et/ou supprimer les hiatus qui me semblent rompre l'harmonie du poème. Mais avec nuances ! Voici les règles que j'ai adoptées.

1. Je néglige systématiquement les hiatus à l'intérieur d'un mot. Évidemment, si le mot me déplaît je ne l'emploie pas...

2. Deux sons-voyelles séparés par un signe de ponctuation ne font pas un hiatus. Dès lors que ledit signe induit une pause à la lecture (c'est conforme à la définition du Robert), l'hiatus est, sinon éliminé, en tout cas fortement atténué.

3. Dans les alexandrins, un hiatus peut apparaître à l'hémistiche parce que je fais aussi rimer les vers de douze syllabes à cet endroit. Dans ce cas, difficile, voire impossible de supprimer l'hiatus.

4. Certaines expressions (« il y a »), certaines formules (proverbes : « Qui aime bien... ») contiennent des hiatus. Si l'on tient à employer ces éléments, l'hiatus sera livré avec !

5. Dans les autres cas, je fais au coup par coup. Mais sans jamais comptabiliser quoi que ce soit. Ainsi, certain poème (le trouverez-vous ?) contient une quinzaine d'hiatus, tel autre aucun (cela dépend aussi bien sûr de la longueur du poème). En résumé, j'essaie de virer les hiatus gênants (difficiles à lire, désagréables à l'oreille) et je ne me soucie pas des autres.

Seule une lecture à voix haute du poème fini permet de se rendre compte de l'effet obtenu. Dès lors que cet effet est satisfaisant, pourquoi changer ? Je reconnais toutefois que la pratique de l'écriture poétique classique contemporaine amène au fil du temps à réduire les hiatus. Peut-être l'oreille est-elle plus sensible aux hiatus – et donc plus sévère à leur égard ? Peut-être aussi que l'expérience conduit le poète à trouver d'instinct d'autres formulations, sans hiatus...

J'ai récemment (fin août 2020) revu tous mes poèmes, haïku et senryû exceptés, afin de corriger les hiatus où cela me semblait nécessaire et où c'était possible. C'est la deuxième vague de corrections que je fais en ce sens. Au passage, quelques vers entiers ont disparu, remplacés bien sûr par d'autres, à des endroits que j'avais repérés et que je m'étais promis de reprendre un jour. Mais tout poème doit avoir acquis à un moment donné sa forme définitive. Je crois que je ne reviendrai plus sur les hiatus ; ceux qui restent... resteront et c'est ainsi !