Tout, tout, tout, vous saurez tout...
(note publiée le 1er février 2021)
La langue française m'émerveille souvent. Ses nuances, sa subtilité, son harmonie (pour celles et ceux qui sont sensibles à la musique des mots) en font de la bonne matière pour versifier. Mais la France est le pays, dit-on, du cartésianisme... Admettons. Du coup, au nom de la logique donc, j'aimerais, dans cette courte note, utiliser cette particularité (vraie ou supposée) pour faire une mini (ô combien !) réforme de l'orthographe.Tout : vous allez tout savoir sur... tout.
« Tous » et « Toutes » sont adjectifs et noms. En tant qu'adjectifs, ils s'accordent évidemment avec le nom qu'ils qualifient. Ainsi écrira-t-on : Tous sont venus. Ils sont tous venus. Toutes sont venues. Elles sont toutes venues. signifiant par là qu'aucun(e) n'est resté(e) en retrait. Tous et toutes, c'est la totalité.
« Tout », quant à lui, existe comme nom : Tout est bien. mais « Tout » est également adverbe. Or, un adverbe est invariable : Ils sont tous surpris. signifie : Tous (sans exception) sont surpris (comme dans l'exemple ci-avant : Ils sont tous venus) mais : Ils sont tout surpris. signifie : Ils sont grandement surpris. « Tout » équivaut alors à « très », « beaucoup ». Toutefois, au féminin, la règle de l'invariabilité adverbiale est prise en défaut car « Tout » devient dès lors « Toute » quand l'adjectif qui suit commence par une consonne, le « e » final étant un « e » pour l'euphonie (il n'a aucune fonction grammaticale). Ainsi : Elle est tout étonnée. Elle est toute surprise. Notez dans le premier cas le « Tout » (car « étonnée » commence par une voyelle) et le « Toute » dans le second cas (car « surprise » commence par une consonne).
Attention, à partir de là, j'innove... La voilà bien, ma mini-réforme de l'orthographe ! On doit écrire, en bon français : Elle est tout étonnée. Elle est toute surprise. et au pluriel : Elles sont tout étonnées. Elles sont toutes surprises. Suivez-moi bien. Dans le premier cas, « Tout » reste en l'état puisque l'adjectif « étonnées » commence par une voyelle. Mais dans le second cas, vu que « surprises » commence par une consonne, « Tout » devient « Toutes ». Et c'est là que j'interviens : « Toute », d'accord, mais pas « Toutes » (avec le « s ») ! Le « e » de « Toute », je l'ai dit, n'est là que pour la prononciation ; or le « s », lui, n'a rien à faire avec la prononciation ! Ôtez le « e » : Elles sont tout surprises. et ça ne colle pas. Remettez le « e » et oubliez le « s » : Elles sont toute surprises. et c'est parfait. Je propose donc (et je fais ainsi, même si je dois être le seul !) de ne jamais employer « Toutes » comme adverbe. D'autant que, avantage supplémentaire et non négligeable, l'absence du « s » permet de distinguer « Toute » adverbe de « Toutes » adjectif. Ainsi : Elles sont toute surprises = Elles sont grandement surprises. et : Elles sont toutes surprises = Toutes sont surprises (sans exception). Conséquemment, si vous rencontrez dans une poésie des Cahiers un « Toute » (sans « s ») suivi d'un adjectif au pluriel, ne criez pas à l'erreur ; il s'agit d'un « Toute » adverbe. Bon, j'ai vérifié et je n'ai jamais eu l'occasion à ce jour d'utiliser cette tournure mais vous le saurez au cas où...
Hein ? Qu'en dites-vous ?