Retour de lecture
Comme Vincent n'est pas présent régulièrement à la gare routière, j'avais déposé « La Séquence parisienne 2 » sous enveloppe dûment scellée à un endroit où le futur récipiendaire, prévenu par texto, pouvait au passage le récupérer. Or, il se trouve qu'une personne travaillant à l'endroit susnommé s'est permis d'ouvrir l'enveloppe et de feuilleter le bouquin. Mais nulle infâmie ici : cette personne est de toute confiance, Vincent était même ravi de la chose, pour moi, j'en étais enchanté aussi. Le partage, toujours le partage... Puis je ne vais sûrement pas me plaindre quand on lit un de mes bouquins !
De plus, c'était pour moi l'occasion, trop rare, d'avoir un retour de lecture. J'ai donc demandé à ma lectrice imprévue si elle avait quelque impression, des remarques, des critiques (je prends tout ce qu'on me dit du moment qu'on est sincère, pour autant je n'en tiens quasiment jamais compte – mais ne le répétez pas). Sa réponse fut quelque peu déroutante ; outre le traditionnel : « Oui, c'est bien », maintes fois entendu et qui veut tout dire et ne rien dire (mais que je préfère sans hésiter à : « Bouh, c'est nul »), elle m'expliqua que certains passages lui avaient échappé... Des mots, semble-t-il, qu'elle ne saisissait pas, peut-être des tournures. Voilà qui m'a laissé perplexe. Écrirais-je dans une langue trop difficile à comprendre ? Certes, j'emploie certains vocables rares et/ou précieux que j'aime à glisser de-ci de-là quand c'est justifié, également certains effets de style (inversions, etc.) propres à la poésie versifiée. Mais c'est peu sur l'ensemble. Or, mon interlocutrice semblait vraiment embêtée. Était-ce de son incompréhension ou était-ce de l'aveu qu'elle m'avait fait – simplement parce qu'elle ne voulait pas me contrarier ? Je l'ignore. Quoi qu'il en soit, j'ai dit par ailleurs que l'écriture et la lecture poétiques n'étaient pas du français parlé et je le redis : la lecture poétique nécessite de savoir deux ou trois choses qui lui sont propres (une page de ce site lui est d'ailleurs consacrée). Il n'empêche, ma lectrice de passage a eu un peu de mal avec le vol. 7 des Cahiers. J'ose espérer que cela ne la découragera pas de lire de la poésie.
Quant à « lire de la poésie », j'aimerais pour finir citer Mme de Staël (il s'agit d'un extrait de : « De l'Allemagne ») via B. Delvaille dans « Mille et cent ans de poésie française », avant-propos, p. XIX.
La poésie française, étant la plus classique de toutes les nations modernes, est la seule qui ne soit pas répandue parmi le peuple. Les stances du Tasse sont chantées par les gondoliers de Venise ; les Espagnols et les Portugais de toutes les classes savent par cœur les vers de Calderon et Camoëns. Shakespeare est autant admiré par le peuple en Angleterre que par la classe supérieure. Des poëmes de Goethe et de Bürger sont mis en musique, et vous les entendez répéter des bords du Rhin jusqu'à la Baltique. Nos poètes français sont admirés par tout ce qu'il y a d'esprits cultivés chez nous et dans le reste de l'Europe ; mais ils sont tout à fait inconnus aux gens du peuple et aux bourgeois même des villes, parce que les arts en France ne sont pas, comme ailleurs, natifs du pays même où leurs beautés se développent.
Qu'en pensez-vous ?