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« Des vers ne sont pas une version latine »

(note publiée le 20 octobre 2022)
Jules Renard

[...] Qu'y a-t-il à comprendre dans un vers ? Absolument rien. Des vers ne sont pas une version latine. J'aime beaucoup Lamartine, mais la musique de son vers me suffit. On ne gagne pas beaucoup à regarder sous les mots. On y trouverait vraiment peu de chose. Mais c'est trop exiger que de vouloir qu'une musique ait un sens, beaucoup de sens, Lamartine et les décadents se rencontrent sur ce point. Ils ne considèrent que la forme. [...]

Jules Renard, Journal, 25 janvier 1889, cité par Jacques Charpentreau,
Dictionnaire de la poésie française, p. 749, article « Poésie »

Je parcours quelquefois (souvent) le Dictionnaire de la poésie française de Charpentreau. C'est une plaisante balade d'un article à l'autre ; l'auteur est certes de parti-pris, comme on dit, dans nombre de cas. Mais qu'importe si sa vision du hiatus (par exemple) diffère de la mienne, pourvu que ce soit bien écrit et qu'il n'y ait pas de mauvaise foi, deux points où Charpentreau est irréprochable.

Et voilà que récemment, relisant l'entrée « Poésie », je tombe sur l'extrait mentionné en ouverture de cette note. Ce sont là des mots qui m'interpellent et c'est une vieille histoire : une fois qu'on a compris que la perfection en poésie est tout bonnement mythique, quoi privilégier ? Le fond ou la forme ? La réponse de Jules Renard – en tout cas comme lecteur – est claire : peu importe le sens, seule prévaut la forme. Comme lecteur je le suivrais peut-être ; comme poète, j'attache quand même un minimum d'importance au fond mais s'il me faut faire un sacrifice, c'est lui qui pâtira. Je n'irai pas jusqu'à écrire ce que je ne pense pas mais je suis prêt à arrondir les angles si la forme y gagne.

Tant de pseudo-poètes, porteur (forcément) d'un message indispensable se contentent de livrer au lecteur (le malheureux, que n'endure-t-il pas ?) leur pensée tout juste issue du « premier jet ». Pauvres de nous ! Faut-il le répéter, la poésie, c'est de la musique avec les mots. Pour écrire avec l'élégance que donne la versification classique (lecteur, pardonne mon audace mais s'il est un seul point où j'ai quelque prétention, c'est bien celui-là, d'écrire en faisant chanter les vers), je rejoins Jules Renard toutes les fois où je compose un poème au sens, disons, secondaire mais toujours bien balancé, si vous m'autorisez cette expression. Que le lecteur le perçoive différemment, c'est là une autre histoire ; pour moi, je suis satisfait du résultat – sinon, à quoi bon le publier ?

« Qu'y a-t-il à comprendre dans un vers ? Absolument rien. » Je ne vous suivrai pas jusque là, mon cher Jules, mais sachez que comme vous je trouve la musique de (m)on vers indispensable, y compris, et je l'ai prouvé dans maints poèmes que le visiteur trouvera sur ce site, quand le fond seul considéré n'en demandait pas tant !