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POÉSIES DE MON CŒUR (a) POÉSIES DE MON CŒUR (i)
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Marie Norcen

(note publiée le 13 mars 2023)
Marie Norcen J'ai retrouvé récemment un petit bouquin – une plaquette serait plus juste – égarée parmi mes (très) nombreux livres.

Il s'agit d'un mini-recueil de textes en prose et versifiés, recueil bilingue occitan-français signé Marie Norcen. Le dépôt légal est du 3e trimestre de l'année 1979. Et comme ce petit livre vient de mon pays, les Boutières, je me suis demandé qui était Marie Norcen. Son nom ne me disait rien ; il faut dire qu'en 1979 j'avais quitté mon village depuis plus de dix ans (j'étais en Allemagne pour servir mon pays – tu parles !).

Qui cherche trouve, surtout à l'heure d'Internet...

Marie Norcen – 1908-2000 – Conteuse, poétesse, écrivain – Marie Norcen est née en 1908, au quartier de Sauveyre à Saint-Martin-de-Valamas. Elle était l'aînée de trois enfants. La famille se déplace à Annonay où elle se découvre une âme d'artiste. Elle étudie l'occitan, dont elle parle le patois. En 1979, elle reçoit le prix de poésie occitane de la ville de Mussidan. Elle anime des soirées dans les Boutières, collecte des contes, publie des poèmes et enseigne l'occitan. Elle collabore aux Cahiers du Mézenc. – Marie Norcen a publié un recueil : « Du pays des Boutières, Contes, Racontes et Poèmes en occitan et en français », Le Cheylard, imprimerie Chevalier, 1979.

(Source : Portraits d'Ardéchois)

Curieux, cette dame a suivi la même route que moi, celle qui l'a menée des Boutières à Annonay.

En feuilletant son livre, je suis tombé sur trois poèmes qui m'ont particulièrement plu. Ce sont eux que je vous livre ci-après dans leurs deux versions.

Un poème faisant l'éloge d'un chat, un beau matou de ferme (probablement) aux pattes gantées de blanc, voilà qui ne pouvait que me plaire ! Lo chat de las blanchas mitas

Qu'es ieu, que siáu lo chat embe las blanchas mitas.
Mon perpont esbauglis sos mon mantel lusent.
Siáu reterchat de loint... per las « chatas mitas ».
Core los champestres, los bartigals ombrencs.

Escale los cuberts, fau de cambareletas,
Quand au mièg de la nuèit amauda lo concert.
Siáu lo « Chef Chataras » mene tot sans baguetas,
Monte naut en solo, grand orchestre es dubert.

Un chataras grisent tira las cordas bassas,
Rauquilhos, bramaire, me vai ben lhiáu tustar.
Escupis grosseiras, e sos ueilhs sont de brasa ;
Qu'es plus la sinfonia, me chaudra lhiu chantar !

...................................

Lo lendeman matin, una bercha a l'orelha,
Mon mantel tot gastat, lo pet n'es posseiros ;
Anem tot balament, ma mestressa somelha,
Qunta marida nuèit ! Visti mos cossinos...
Marie Norcen
(Photo tirée du livre)
Le chat ganté

Je suis le chat ganté — de blanc — ne vous déplaise.
Le plastron éclatant sous mon manteau de jais.
Mon succès est certain, je cours tout à mon aise
Dans les champs, dans les bois. Je fais ce qui me plaît.

Je grimpe sur le toit, je fais des galipettes,
Et quand vient la mi-nuit préludent les accords.
Je suis « Chef Chataras », pas besoin de baguette,
Je module en solo dans un ton demi-fort.

Certain matou tigré me donne la réplique ;
Le ton monte, rageur, et de plus en plus haut.
On crache des gros mots, discordante musique ;
Voici venir les coups, hélas mon pauvre dos.

...................................

C'est le petit matin, un accroc à l'oreille,
Ainsi qu'au beau manteau dont le poil est froissé ;
Entrons tout doucement, ma maîtresse sommeille,
Vite ! sur le coussin... Quelle nuit j'ai passé !
Celui-ci me rappelle (a minima pour son thème) Printemps (Poème naïf) que j'avais écrit en avril 2018. Lo printemps

Lo printemps es vengut. Es certain, l'assegure !
L'ai vegut a la prima au pèje dau jardin.
Aviá l'anar fringant e la bona postura ;
M'a gaita de coa d'uèilhs. A ! lo pichot coquin.

L'esperaváu un pauc. M'ère botaa lisqueta,
Sus mos pials argentais aviáu mes lo turban,
Lo caban de drap fin, aqueli qu'a capeta.
Lo chapel de palha, embe lo bel riban.

El, fasiá lo galant. Aviá pres lo jargaut.
Coriá... leugier... leugier, semblava un perdigaut.
Aprés el, florissian coma de farfantèlas,

Pimparèla, cocut, pimpol d'or e serpol.
Los aucèls de prima escharnissons loriol,
A l'ombrenc das pibols florisson primadèlas.
Le printemps

Le printemps est venu. Mais oui, je vous l'assure !
Je l'ai vu caché... là, tout au fond du jardin.
Son air était fringant et sa démarche sûre ;
Il m'a fait un clin d'œil. Ah ! le petit coquin.

Vois-tu, je t'attendais, et j'ai fait la coquette :
Regarde le ruban sur mes cheveux d'argent,
Drapé très joliment comme pour une fête ;
La fête des beaux jours, celle du gai printemps.

Mais, tu fais le galant ! Ton pourpoint est de moire.
Tu marches... si léger... et je ne puis y croire,
Sous tes pas ont fleuri tels de petits lutins,

Primevères, soucis, paquerettes, violettes.
Dans le hallier, là-bas, s'égosillent fauvettes,
Mésanges, rossignols, qui modulent sans fin.
Mon père me parlait souvent des sources de Molines, qui ne tarissaient jamais même pendant les plus fortes chaleurs. Las fonts d'a Molinas

La fonteta clara... la terchavam sans fin,
En corent per senta, cheminol e chamin.
Montavam lo corent, aqui dins los clapas,
La veguèram pasmens, al ran das bordigas.

Se colava debas au mièg de l'amoreta,
De la baucha gramaa e de la fenolheta,
Ondejant dins l'erba entre los romeguiers,
Sortià sos los calhaus aval vès los sorbiers.

Coma farfantèla anavà a la valat
Leissent darrier ela ribeiral e golhias.
Lo monier... sa chanal, l'adomejèt content,
E alègra, venguèt a son bial en risent.

Lo molin vira plus... E la sorga s'en vai,
S'en vai totjorn debas, sens se preissat jamai,
Seguent son chaminol, l'aiga tot balament,
Devala vès la mar, embe flume rabent.
Les sources de Molines

Nous parcourions les monts, cherchant la source pure,
Nous nous laissions porter par l'esprit d'aventure.
Nous suivîmes ainsi les rives des ruisseaux,
Les chemins et sentiers bordés de blancs bouleaux.

Verges d'or, aconit, le dur genevrier,
Se dressaient, escortant le rougeoyant sorbier.
Jaillissant dans les fleurs, tombant en cascatelle,
La source était bien là... chantant sa ritournelle.

Elle dansait, légère, ainsi qu'un elfe blond
Qui glisserait, agile, et tournerait en rond,
Allant toujours plus bas, creusant un lit mousseux,
Parmi les sapins verts et les ormes noueux.

La source des grands bois, belle vierge captive,
Le meunier, sans pitié, l'avait prise, rétive,
Pour broyer le grain roux coulant en larmes d'or.
Le vieux moulin s'est tu... Revivra-t-il encor ?