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POÉSIES DE MON CŒUR (i)

Peinture, musique, poésie (et haïku)

(note publiée le 18 novembre 2024)
La musique et la peinture sont des arts qui ne nécessitent pas d'avoir accès à une culture particulière. Certes, les compositeurs et les peintres sont influencés par leur histoire ; leur pays, leur éducation, leur milieu plus généralement jouent un rôle non négligeable dans leur production. Mais pas leur langue, et c'est là toute la différence avec la littérature – et avec la poésie plus spécifiquement.
Peinture, musique, poésie (et haïku) (a) Peinture, musique, poésie (et haïku) (af) Peinture, musique, poésie (et haïku) (i)
Qu'on me permette de prendre un cas que je connais assez bien, le mien. Du côté des arts visuels, j'apprécie certaines formes de peinture abstraite, même si je préfère globalement la peinture figurative. Même chose pour la photo. Des formes sans lien apparent avec le monde réel peuvent m'enchanter. Pour la musique, je reste insensible à toutes les formes de musique abstraite – celle dite sérielle, par exemple – insensible et même carrément hostile quand ça « m'écorche les oreilles ». Quant à la poésie, j'ai déjà dit ce que je pensais de la poésie non versifiée, surtout de cette production catastrophique ou des mots sont balancés sur le papier, donnant des phrases sans queue ni tête, toute forme de syntaxe cohérente en étant bannie. Bon, quand elle réussit à survivre, c'est pour qu'on lise ce genre de niaiseries :
tu cherches tes yeux

dans ce corps sorti du corps
peut-être une femme à rebours

l’un est soi et l’autre
est qui vient qui part
Je me délecte toujours à chercher ces extraits et je suis rarement déçu, tant certains auteurs sont capables de tout au prétexte de « s'exprimer ».

J'ai qualifié les responsables de ces inepties de « branleurs de cervelle » en référence aux prétentions de ces dames et de ces messieurs ; ne livrent-ils pas ainsi le meilleur d'eux-mêmes, la quintessence de leur pensée ? Ils offriraient le pire qu'on ne verrait guère de différence. Notez que plusieurs de ces prétendus poèmes veulent être habilement composés sur la page, imitant le fameux « Coup de dés » de Mallarmé. Hélas pour eux (et pour Mallarmé), la poésie n'est pas un art visuel. Musique et poésie ont ceci en commun, qui les démarque de la peinture, de faire appel aux sons, aux sonorités si l'on préfère. La poésie n'est-elle pas l'art de faire chanter les mots ?
Peinture, musique, poésie (et haïku) (a) Peinture, musique, poésie (et haïku) (af) Peinture, musique, poésie (et haïku) (i)
Le lien entre musique et poésie, je voudrais l'évoquer à propos du haïku. J'ai récemment eu l'occasion d'échanger sur la Toile au sujet des « poèmes courts japonais ». Un des points abordés était : faut-il respecter absolument le rythme des 5-7-5 syllabes pour les haïku écrits en français ? Le haïku est japonais, pays où la musique traditionnelle emploie la gamme pentatonique (sur cinq notes) ; pour autant, quiconque a le droit d'apprécier la musique basée sur cinq notes (c'est mon cas et je trouve beaucoup de charme à certaines œuvres) car il n'est point besoin de connaissances spéciales. Mais quant à lire des haïku dans le texte, c'est autre chose, il faut parler le japonais. Idem s'il s'agit d'en écrire. Il ne reste qu'à transposer le haïku en français. C'est certainement un pis-aller mais que faire d'autre ? Les 5-7-5 syllabes sont donc une adaptation des 5-7-5 « mores » de la langue japonaise, à la langue française. Se risquer à outrepasser cette règle risque de mener à des pièces sans saveur, certainement authentiques sur le fond mais molles sur la forme.

De toute façon, les poètes qui ont pris la peine d'étudier les règles de la poésie classique francophone et qui savent l'importance de la « musique des mots », donc des sonorités et du rythme, respectent ces règles, élaborées au cours du temps et consacrées par l'usage car elles sont les meilleures qu'on puisse trouver. Elles sont une contrainte indispensable pour obtenir des vers équilibrés entre fond et forme ; au demeurant, libre au poète contemporain de prendre ce qui lui sied (par exemple, si j'ai personnellement choisi de respecter les diérèses, c'est pour leur superbe sonorité). Pourquoi alors faire exception pour les haïku ? Si le rythme 5-7-5 est reconnu, c'est qu'il est le mieux adapté au « haïku à la française ».

Le premier tableau de cette note est d'Adèle Romany (« Joseph Dominique Fabry Garat jouant de la lyre », vers 1808) ; le second est de Gustave Courbet (« Baudelaire lisant »).