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La licence poétique

(note publiée le 29 mars 2015)
Ah, licence poétique... Que de crimes ont été commis en ton nom ! Que de poètes paresseux se sont servis de toi pour justifier leur vers bancals !

La licence poétique est la faveur accordée aux poètes de modifier les mots de la langue. Mais la licence poétique n'a jamais autorisé les poètes à s'arranger comme bon leur semble ! De fait, la licence poétique me paraît s'appliquer à quatre cas bien définis. Elle peut être utilisée pour :

1. changer l'orthographe ‑ et partant, la prononciation ‑ de certains mots. Le cas le plus connu est encore, susceptible de perdre son E final quand le nombre de syllabes l'exige, étant entendu que cette suppression ne peut se faire qu'en fin de vers ou devant une consonne. Elle est interdite devant une voyelle, puisqu'elle ne servirait à rien. D'autres mots peuvent ainsi être orthographiés différemment de leur forme usuelle. Certes a la permission de perdre parfois son S final pour éviter la liaison (devant une voyelle uniquement, donc). Idem pour les prénoms tels Georges ou Jacques, qui ne supportent pas la liaison avec la voyelle qui suit. Personne ne lirait Jacques est venu : ja / que / zé / ve / nu !

2. choisir la prononciation de quelques mots avec diphtongue. Pour ces rares cas, les deux variantes sont autorisées (synérèse ou diérèse). La liste est courte : hier (mais pas avant-hier qui reste en synérèse), liard, miasme, biais (et biaiser), ancien(ne), opium, zouave, ouate, fouaille, duel, yatagan, fouet, ouest. Cette liste varie selon les sources, mais elle reste réduite...

3. choisir la prononciation de quelques mots quand il y a doute. Attention ! Doute ne veut pas dire que le poète ne sait pas simplement parce qu'il n'a pas cherché... C'est à lui de se renseigner ! Mais quand le doute subsiste après consultation des sources, ou quand le poète a de bonnes raisons de penser que tel mot ne devrait pas obéir à la règle des mots de sa famille, il peut transgresser cette règle. Un exemple : avion, mot récent, doit se lire : a / vi / on comme tous les substantifs en ‑ion (Apollinaire l'emploie ainsi). Mais il provient du latin avis (oiseau) et avis n'a pas de diphtongue. Selon la règle de l'étymologie, il peut donc fort bien se lire a / vion (d'autant que la synérèse convient bien à un mot à connotation moderne).

4. choisir la prononciation de certains mots dans quelques autres cas particuliers :
- un poème de veine populaire peut se servir du français parlé ; plus de i / on, de i / eu, etc. Autre solution : le poète peut aussi veiller à ne pas utiliser de mots équivoques dans ce genre de poème. Contraignant mais efficace...
- une expression couramment entendue sera davantage lue comme on l'entend, justement. Ainsi, les usagers de la SNCF connaissent bien le Attention au départ et Attention sera ‑ forcément ‑ lu : a / tan / tion.

Le poète qui est habitué à utiliser les règles de prononciation de la poésie traditionnelle (et qui a habitué ses lecteurs à le lire ainsi) sera bienvenu de signaler les exceptions volontaires qu'il s'autorise.

Dans tous les autres cas, le poète qui se pique de suivre les règles de la poésie traditionnelle ne peut s'autoriser à changer quoi que ce soit à la prononciation des mots au nom de la licence poétique. Des règles existent, établies d'après l'usage et même si elles semblent figées, leur emploi paye largement le poète et le lecteur de l'effort consenti à l'écriture et à la lecture, par l'extraordinaire rythme qu'elles donnent au vers traditionnel.