Canal de l'Ourcq
I
Le doux ciel de novembre en volutes grisâtres
Est comme un drap jeté par-dessus le canal.
Sur les bords, touches d'ambre aux ramures roussâtres,
Vert enfui de l'été, jaune et rouge automnal.
Près du pont déplié et lancé sur l'écluse
Qui relie le canal au canal Saint-Martin,
Montent des peupliers tout en teintes diffuses,
Tableau matutinal aux motifs incertains.
Voici l'allée pavée où flâne le touriste ;
C'est le quai de la Loire encombré de bateaux.
Ils sont déjà levés : quatre joyeux boulistes
S'affrontent pour la gloire alors qu'il est bien tôt.
Je dois faire un effort, le canal me condamne
Ici à me hâter en prenant les sommets ;
Je grimpe, c'est trop fort, l'arche albâtre en dos d'âne
Qui traverse à côté de la rue de Crimée.
Péniche-librairie, lorsque l'esprit s'élève,
Chaque livre est une aile et il fait bon voler
Au fil de l'eau. Féerie des mots, « L'eau et les rêves »,
Péniche, tu es celle où je veux escaler.
La « Grande Fantaisie » amarrée à la rive
Déborde de buveurs, elle est prise d'assaut.
Péniche frénésie, parfois calme et lascive,
Tes flancs hauts en couleurs sont-ils de Picasso ?
Sur la vaste pelouse où roula la Géode,
Bulle aux reflets tremblants pour moderne manoir,
Ils fouillent – j'en vois douze – et la faim les taraude,
Les pigeons sont en blancs, les corbeaux sont en noir.
Péniche-cinéma au quai de la Villette,
Hauts moulins de Pantin au toit diagonal,
Les tout premiers frimas que le vent nu projette
Dans l'air frais du matin font trembler le canal.
Sur les feuilles tombées des arbres qui s'endorment,
Deux dames en parlant promènent leur loulou.
Contre un muret bombé un tagueur met les formes
Pour écrire en verlan quelque slogan chelou.
Passerelles en vert, comme l'eau qui héberge,
Les pattes en dedans et la tête en dehors,
Un trio de colverts écarté de la berge.
Canards, soyez prudents, qui voulez vivre encor.
II
Et là, du dernier pont, je t'ai vue en silence
Belle, fine et menue, t'éloigner à jamais.
Le canal est profond, mon chagrin est immense...
Tu n'es pas revenue – oh, mon Dieu, je t'aimais !
Le doux ciel de novembre en volutes grisâtres
Est comme un drap jeté par-dessus le canal.
Sur les bords, touches d'ambre aux ramures roussâtres,
Vert enfui de l'été, jaune et rouge automnal.
Près du pont déplié et lancé sur l'écluse
Qui relie le canal au canal Saint-Martin,
Montent des peupliers tout en teintes diffuses,
Tableau matutinal aux motifs incertains.
Voici l'allée pavée où flâne le touriste ;
C'est le quai de la Loire encombré de bateaux.
Ils sont déjà levés : quatre joyeux boulistes
S'affrontent pour la gloire alors qu'il est bien tôt.
Je dois faire un effort, le canal me condamne
Ici à me hâter en prenant les sommets ;
Je grimpe, c'est trop fort, l'arche albâtre en dos d'âne
Qui traverse à côté de la rue de Crimée.
Péniche-librairie, lorsque l'esprit s'élève,
Chaque livre est une aile et il fait bon voler
Au fil de l'eau. Féerie des mots, « L'eau et les rêves »,
Péniche, tu es celle où je veux escaler.
La « Grande Fantaisie » amarrée à la rive
Déborde de buveurs, elle est prise d'assaut.
Péniche frénésie, parfois calme et lascive,
Tes flancs hauts en couleurs sont-ils de Picasso ?
Sur la vaste pelouse où roula la Géode,
Bulle aux reflets tremblants pour moderne manoir,
Ils fouillent – j'en vois douze – et la faim les taraude,
Les pigeons sont en blancs, les corbeaux sont en noir.
Péniche-cinéma au quai de la Villette,
Hauts moulins de Pantin au toit diagonal,
Les tout premiers frimas que le vent nu projette
Dans l'air frais du matin font trembler le canal.
Sur les feuilles tombées des arbres qui s'endorment,
Deux dames en parlant promènent leur loulou.
Contre un muret bombé un tagueur met les formes
Pour écrire en verlan quelque slogan chelou.
Passerelles en vert, comme l'eau qui héberge,
Les pattes en dedans et la tête en dehors,
Un trio de colverts écarté de la berge.
Canards, soyez prudents, qui voulez vivre encor.
II
Et là, du dernier pont, je t'ai vue en silence
Belle, fine et menue, t'éloigner à jamais.
Le canal est profond, mon chagrin est immense...
Tu n'es pas revenue – oh, mon Dieu, je t'aimais !
Paris, Pantin, canal de l'Ourcq, mardi 11 novembre 2014
III. Post-scriptum
(Deux mois après)
Sur les bords du canal, janvier veut faire croire
Que l'hiver quelquefois s'habille de printemps
Mais pour moi c'est égal : mes amours illusoires
Sont bien mortes ; j'ai froid, et j'aurai froid longtemps.
(Deux mois après)
Sur les bords du canal, janvier veut faire croire
Que l'hiver quelquefois s'habille de printemps
Mais pour moi c'est égal : mes amours illusoires
Sont bien mortes ; j'ai froid, et j'aurai froid longtemps.
Paris, canal de l'Ourcq, dimanche 10 janvier 2015