Chronique de la Grande Peur ou : La Bête
(Petit poème moyenâgeux)
Ce manuscrit a été retrouvé récemment – et fort opportunément – quelque part en France, dans les ruines du château de X... Il est daté : la mention finale précise qu'il a été écrit au « mois d'avril de l'an de grâce 1020 ».
Pays de Cocagne où il fait bon vivre,
Te voilà frappé du sceau du malheur !
L'heure est grave, eh, vous dont l'âme s'enivre
Du printemps naissant aux mille couleurs !
Oyez, braves gens, la nouvelle :
La Bête rôde, il faut rentrer !
Malheur à qui croisera celle
Qui hante bientôt la contrée !
Car la Bête est là ; la cruelle en pince
Pour quiconque approche la malfamée.
« Nous sommes en guerre, a clamé le Prince.
L'ennemi nous guette, il faut s'enfermer ! »
Oyez, braves gens, la nouvelle : (...)
« S'enfermer ? Pourquoi ? s'écrie le poète.
Protégez le faible, égal compromis
Mais laissez aller, tyran que vous êtes,
Ceux qui n'ont pas peur face à "l'ennemi" !
Oyez, braves gens, la nouvelle : (...)
Car la peur toujours est l'arme suprême
Qui fait redouter les Bêtes. Stupeur :
La Bête honnie, honteux stratagème,
Devient monstre affreux pour qui en a peur. »
Oyez, braves gens, la nouvelle : (...)
« Poète, tais-toi ! La Bête sournoise
Rend dolents, hélas, ceux-là qu'elle atteint ;
Ceux à qui demain ell' cherchera noise
Périront sans doute un triste matin.
Oyez, braves gens, la nouvelle : (...)
Et ceux qui vivront, touchés par l'haleine
De la Bête hier contamineront,
Ô souffle maudit, Pierre, Paul, Hélène
Et d'aucuns, pardi, là-haut s'en iront ! »
Oyez, braves gens, la nouvelle : (...)
« Mais c'est faux, vous dis-je ! Au pays d'en face,
Maints fiers chevaliers qui l'ont vue, oui, maints,
Sont encore en vie... Faut-il donc qu'on fasse,
Pour qu'il n'ait pas peur, honte au genre humain ?
Oyez, braves gens, la nouvelle : (...)
Peuple, écoute-moi ! Fort peu fréquentable
Est la Bête, certe et Dieu sait combien !
Mais la peur la rend bien plus redoutable,
Le Prince l'ignore – ou le sait trop bien !
Oyez, braves gens, la nouvelle : (...)
Puis ouvrez les yeux ! Là, on vous évince
De la liberté d'aller et venir
Car la Bête rôde, ainsi dit le Prince.
Peuple acquis, pour toi, dis, quel avenir ?
Oyez, braves gens, la nouvelle : (...)
Régner par la peur ! Votre conscience
Est-elle à ce point frileuse pour que
Vous courbiez le dos avec bienveillance
Comme un chien piteux qui baisse la queue ? »
Oyez, braves gens, la nouvelle : (...)
Il n'en dit pas plus. La foule peureuse
Le chassa, hurlant après le bandit
Car la Bête rôde et la Mort affreuse
La suit, c'est certain : le Prince l'a dit.
Oyez, braves gens, la nouvelle : (...)
De tous temps déjà, la vieille ficelle,
Il faut pour régner être un brin trompeur
Puis, Prince avisé, solliciter celle
Qui fait filer doux, j'ai nommé : la peur.
Oyez, braves gens, la nouvelle : (...)
Mais je suis certain, curieuse Bête
Que si dans mille ans tu réapparais,
Le peuple dira, relevant la tête :
« Vivre et rester libre ! » au Prince apeuré.
Te voilà frappé du sceau du malheur !
L'heure est grave, eh, vous dont l'âme s'enivre
Du printemps naissant aux mille couleurs !
Oyez, braves gens, la nouvelle :
La Bête rôde, il faut rentrer !
Malheur à qui croisera celle
Qui hante bientôt la contrée !
Car la Bête est là ; la cruelle en pince
Pour quiconque approche la malfamée.
« Nous sommes en guerre, a clamé le Prince.
L'ennemi nous guette, il faut s'enfermer ! »
Oyez, braves gens, la nouvelle : (...)
« S'enfermer ? Pourquoi ? s'écrie le poète.
Protégez le faible, égal compromis
Mais laissez aller, tyran que vous êtes,
Ceux qui n'ont pas peur face à "l'ennemi" !
Oyez, braves gens, la nouvelle : (...)
Car la peur toujours est l'arme suprême
Qui fait redouter les Bêtes. Stupeur :
La Bête honnie, honteux stratagème,
Devient monstre affreux pour qui en a peur. »
Oyez, braves gens, la nouvelle : (...)
« Poète, tais-toi ! La Bête sournoise
Rend dolents, hélas, ceux-là qu'elle atteint ;
Ceux à qui demain ell' cherchera noise
Périront sans doute un triste matin.
Oyez, braves gens, la nouvelle : (...)
Et ceux qui vivront, touchés par l'haleine
De la Bête hier contamineront,
Ô souffle maudit, Pierre, Paul, Hélène
Et d'aucuns, pardi, là-haut s'en iront ! »
Oyez, braves gens, la nouvelle : (...)
« Mais c'est faux, vous dis-je ! Au pays d'en face,
Maints fiers chevaliers qui l'ont vue, oui, maints,
Sont encore en vie... Faut-il donc qu'on fasse,
Pour qu'il n'ait pas peur, honte au genre humain ?
Oyez, braves gens, la nouvelle : (...)
Peuple, écoute-moi ! Fort peu fréquentable
Est la Bête, certe et Dieu sait combien !
Mais la peur la rend bien plus redoutable,
Le Prince l'ignore – ou le sait trop bien !
Oyez, braves gens, la nouvelle : (...)
Puis ouvrez les yeux ! Là, on vous évince
De la liberté d'aller et venir
Car la Bête rôde, ainsi dit le Prince.
Peuple acquis, pour toi, dis, quel avenir ?
Oyez, braves gens, la nouvelle : (...)
Régner par la peur ! Votre conscience
Est-elle à ce point frileuse pour que
Vous courbiez le dos avec bienveillance
Comme un chien piteux qui baisse la queue ? »
Oyez, braves gens, la nouvelle : (...)
Il n'en dit pas plus. La foule peureuse
Le chassa, hurlant après le bandit
Car la Bête rôde et la Mort affreuse
La suit, c'est certain : le Prince l'a dit.
Oyez, braves gens, la nouvelle : (...)
De tous temps déjà, la vieille ficelle,
Il faut pour régner être un brin trompeur
Puis, Prince avisé, solliciter celle
Qui fait filer doux, j'ai nommé : la peur.
Oyez, braves gens, la nouvelle : (...)
Mais je suis certain, curieuse Bête
Que si dans mille ans tu réapparais,
Le peuple dira, relevant la tête :
« Vivre et rester libre ! » au Prince apeuré.
Fait au pays de Cocagne
le troisième dimanche du mois d'avril de l'an de grâce 1020
le troisième dimanche du mois d'avril de l'an de grâce 1020
Annonay, dimanche 19 avril 2020
Note de l'auteur : faut-il préciser que mille ans après rien n'a changé ? Même l'élevage de moutons, jadis prospère dans le royaume de France, se porte fort bien en 2020.
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(Cette poésie porte le numéro 4 sur 5)