Des mots innombrables

J'ai couché des mots, des mots innombrables
Sur les folios de mes chers carnets.
Autant de feuillets... C'est invraisemblable.
J'ai versifié, poète acharné,
Du matin au soir, le fait est certain
– Et même parfois du soir au matin.

Que restera-t-il de mes états d'âme ?
Des miennes amours ? De mon cœur aimant ?
Et des mots faits pour vous ravir, madame ?
Chaque année sans trêve, auteur véhément,
J'ai fait le poète en toutes saisons
Avec rimes – mais souvent sans raison.

Rien n'est éternel, tout est provisoire.
Si la poésie vaut bien quelque effort,
Mes vers, je le sais, restent dérisoires
Mais qu'importe au vrai... J'ai pour réconfort
Tous les bons moments passés de facto
Avec Calliope, avec Érato.

J'ai fait mon devoir, poète incurable ;
Si les troubadours ne font pas de vers,
Qui donc en fera ? Lectrice adorable,
Lecteur complaisant, garde par-devers
Toi la poésie du vieux rimailleur
Pour le pire et surtout pour le meilleur !