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POÉSIES DE MON CŒUR (a) POÉSIES DE MON CŒUR (i)
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« Je vous vois plus... »

À Bob.
Je suis dépositaire, amis, de quatre mots...
Nous étions quatre aussi près de toi, vieux bandit,
Quand tu quittas la Terre – oh, pianissimo...,
Nous étions quatre ici, alors tu nous as dit :
« Je vous vois plus... » Et moi qui fus seul à t'entendre
– Eux, ils étaient distants ou ils pleuraient trop forts –,
J'ai le cœur en émoi (ai-je le cœur trop tendre ?),
Les mots sont importants dès que rôde la mort.

Ces quatre mots encor échappés de tes lèvres
À cet instant fatal où tout se désagrège,
Dans ce pauvre décor, ce couloir au ton mièvre
D'un petit hôpital, ces quatre mots, disais-je,
« Je vous vois plus... », qui sait leur secret ? Juste avant,
Qui sait ce que tes yeux, qui se fermaient au monde,
Ont vu lorsque passait l'image des vivants ?
Quels fantômes, quels dieux à l'ultime seconde ?

Car on touche, on entend, on sent, de même on voit,
On goûte les saveurs d'ici-bas. Il te sied,
Homme, tu le prétends, d'être docte. Or la voie
Du mystère est ailleurs que dans tes sens grossiers.
« Je vous vois plus... » Parmi nous ton regard livide
S'ouvrit sur autre chose. Ainsi, la tombe c'est
Les temps futurs promis qui rempliront le vide,
C'est l'âme qui s'impose après qu'elle a passé,

C'est la porte fermée qui s'ouvre sur l'espace,
C'est la fin du brouillard qui masque la lisière,
C'est du mont le sommet qui cache l'autre face,
C'est l'envers du miroir qui retient la lumière.
« Je vous vois plus... » Mais dame, il fallait donc saisir :
« Je vois avec mon cœur, mes paupières sont closes,
Je vois avec mon âme au-delà du désir
De l'esprit réducteur où la vie est enclose. »

Puis ton corps obsolète est parti sans retour.
C'est un peu de poussière et c'est bien peu vraiment
Que ces os, ce squelette et cette chair autour,
C'est l'existence entière emportée ardemment.
« Je vous vois plus... » Longtemps, avant que le silence
Finisse par se faire, entendrai-je comme au
Jour du fatal instant, cette voix en partance.
Je suis dépositaire, amis, de quatre mots...
Annonay, lundi 1er décembre 2014
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