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POÉSIES DE MON CŒUR (i)
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La forteresse

I

C'est une forteresse orgueilleuse et sublime,
Et redoutable avec ses remparts et ses tours,
Monument qui se dresse à cheval sur les cimes,
Les éperons, les becs, les sommets alentour
Veillent sur ce château, rocheuses sentinelles,
Des abîmes glacés s'enfoncent à ses pieds,
Nulle route bientôt ; qui veut s'approcher d'elle
Ne sait par où passer : nulle voie, nul sentier.

Qui hante cet endroit ? Terrible incertitude...
Qui vit là-haut ? Mystère... Un être malveillant ?
Car souvent le mal croît avec la solitude
Et l'âme solitaire endure en tressaillant
La déréliction, l'isolement extrême,
Abandonnée de tous, elle souffre sans bruit,
Cruelle affliction, élancement suprême,
Âme grise aigre-douce où se loge l'ennui.

Parfois les soirs d'hiver, quand le pesant silence
S'étend sur le massif où le fort est serti,
Écoutez ce son clair qui résonne en cadence
Sur un rythme lascif, mezzo pizzicati...
Quel est ce mouvement troublant la quiétude
Du noir escarpement aux pics déchiquetés ?
Quel bizarre instrument toque ainsi, multitude
De mornes battements sans cesse répétés ?

II

Le Barbare autrefois voulut avec audace
S'emparer de ces murs à la lave agrippés.
Deux fois, dix fois, cent fois à attaquer la place,
Le métal froid et dur des funestes épées
A lui sous le soleil, cent fois l'armée défaite
Jeta, pauvres efforts, l'échelle et le grappin,
Un éternel sommeil frappa hommes et bêtes :
Je parle de la Mort et tous furent atteints.

Un prince astucieux, raconte la légende,
Ailé tel un pigeon, prit un jour son envol.
« C'est par la voie des cieux qu'il convient qu'on se rende
Chez toi, maudit donjon ! » Ô prince tu es fol !
Alors que tu planais sur la vaste demeure,
Une flèche venue du castel – la voici ! –
Surgit. Tu as donné ta vie... Il faut qu'il meure,
Qui croit franchir la nue pour pénétrer ici.

Un farouche guerrier connu pour sa bravoure
Disait : « Je fais l'Histoire et l'Histoire obéit.
Je suis l'aventurier, le héros qui savoure
Le prix de la victoire, et jamais n'ai failli.
Forteresse accomplie, implore ma clémence
Et toi, qui l'as bâtie, fusses-tu roi divin ! »
Puis grand, fier et rempli d'une colère immense,
À l'assaut il partit. Jamais il ne revint.

III

Par une aube d'été quand l'orient s'allume
Au feu vif du matin, un poète en exil
Allait sans se hâter ; il la vit dans la brume,
Pâle dans le lointain, fantastique péril.
« D'une belle endormie, baroque silhouette,
Es-tu donc la prison, que j'aperçois là-haut ?
Dites-moi, mes amis... — Va ton chemin, poète,
Écoute la raison, garde-toi du chaos. »

Le poète troublé, rapporte la chronique,
Dit : « Je sais le pouvoir du verbe et je connais
En sept vers redoublés une chanson magique
Tirée d'un vieux grimoire, un antique sonnet. »
Vers la bastille, errant, il marcha le soir même
Et le lendemain, dame, il revenait vivant
Mais disait en pleurant un étrange poème
Qui parlait d'une femme, étrange et émouvant.

« Poète, qu'as-tu fait ? Qui se cache dans l'ombre
De cette forteresse ? Une femme, dis-tu...
Est-elle femme ou fée ? Est-elle pure ou sombre ?
Esclave ou bien maîtresse en vices ? En vertus ?
Esprit de l'au-delà, stryge, ondine, sorcière ?
As-tu su l'enchanter, visiteur imprévu ? »
Mais le poète las comme à l'heure dernière
S'en fut sans écouter. On ne l'a pas revu.

IV

Ce poète égaré me ressemble sans doute,
Qui désira connaître à ses tristes dépens
Le tragique secret de l'altière redoute.
Il eut gagné, peut-être, exigence en suspens,
À fuir. Moi – quel aveu ! – pareillement, madame...
Quand vous êtes passée, vos yeux, votre regard
Ont fait jaillir le feu, vivifiante flamme,
Sincère et empressée, sincère surtout car

Je vous aimais, madame, aux sentiments rebelle
Exquise passion quand l'amour est vainqueur !
Mais quand l'amour est drame... – Ah, cette citadelle,
Ce hardi bastion ressemble à votre cœur :
Il est clos sur le monde et le monde l'accable,
À quoi bon l'assiéger ? Rien ne peut l'émouvoir,
Nul espoir qu'il réponde et il est incapable
De ne rien partager, donner ou recevoir.

Depuis ce temps je prie pour que, douce prière,
De votre cœur gisant qui désapprit d'aimer,
L'amant de vous épris n'entende plus, misère,
Ces mots : « Allez-vous-en, ne revenez jamais ! »,
Pour que ce cœur navré où gît la méfiance
Enfin s'ouvre, assidu, par l'amour ravivé.
J'avais tant espéré, dérisoire espérance
Et je vous ai perdue sans vous avoir trouvée.
Annonay, vendredi 9 janvier 2015
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