Le gaucher
Paris – XVIIe Congrès des poètes qui écrivent encore à la main.
Le maître de séance
« Maintenant, une intervention du poète X..., indigné de la réaction de certains de ses collègues...
Les poètes
— Oh... C'est le gaucher !
X...
— Oui, je suis gaucher. Bon, que vous importe ?
Pourquoi ces regards contrits à présent
Que j'ai fait ces vers ? (C'est en quelque sorte
Un poème... baste... autosuffisant
Parce qu'il est né, singulière chose,
Pour ce que j'écris en fieffé gaucher
Et que ça vous a surpris, l'air morose,
Sourires hagards, regards ébréchés
Qui disaient combien ma main gauche – gare ! –
Vous gênait mais ses tradéridéras,
C'est justement que je trouvais bizarre
Que ça vous embête et, etc.)
Oui, je suis gaucher. Bon, cela vous fâche ?
Tout le monde ne peut être droitier.
Du cerveau chaque hémisphère a sa tâche,
Suffit qu'on emploie la bonne moitié.
Les gauchers, dit-on, sont en petit nombre
Mais faudrait-il qu'on soit en quantité
Pour qu'on nous regarde d'un œil moins sombre ?
Moins d'individus : plus de qualité !
Pas plus maladroit que toi, mon bonhomme,
Je ne sache pas que ma main, pardi,
Pour être la gauche agisse mal comme
Ferait d'un droitier la main engourdie.
Oui, je suis gaucher... Bon, la belle affaire !
La jolie manie de classer les gens !
Droitiers, est-ce que cela vous confère
Le... droit d'arranger Pierre, Paul ou Jean ?
Qu'importe la main qui trace les signes
S'ils disent l'amour, la joie, l'amitié.
Droitier ou gaucher, pourvu qu'on soit digne,
Pourvu qu'on soit grand, gaucher ou droitier.
Puis je vous salue, de la main sénestre,
Serrons-nous la main, là, tout uniment,
Gauchers ou droitiers, pareil qu'ambidextres
(On n'a que deux mains, fort heureusement). »
Pourquoi ces regards contrits à présent
Que j'ai fait ces vers ? (C'est en quelque sorte
Un poème... baste... autosuffisant
Parce qu'il est né, singulière chose,
Pour ce que j'écris en fieffé gaucher
Et que ça vous a surpris, l'air morose,
Sourires hagards, regards ébréchés
Qui disaient combien ma main gauche – gare ! –
Vous gênait mais ses tradéridéras,
C'est justement que je trouvais bizarre
Que ça vous embête et, etc.)
Oui, je suis gaucher. Bon, cela vous fâche ?
Tout le monde ne peut être droitier.
Du cerveau chaque hémisphère a sa tâche,
Suffit qu'on emploie la bonne moitié.
Les gauchers, dit-on, sont en petit nombre
Mais faudrait-il qu'on soit en quantité
Pour qu'on nous regarde d'un œil moins sombre ?
Moins d'individus : plus de qualité !
Pas plus maladroit que toi, mon bonhomme,
Je ne sache pas que ma main, pardi,
Pour être la gauche agisse mal comme
Ferait d'un droitier la main engourdie.
Oui, je suis gaucher... Bon, la belle affaire !
La jolie manie de classer les gens !
Droitiers, est-ce que cela vous confère
Le... droit d'arranger Pierre, Paul ou Jean ?
Qu'importe la main qui trace les signes
S'ils disent l'amour, la joie, l'amitié.
Droitier ou gaucher, pourvu qu'on soit digne,
Pourvu qu'on soit grand, gaucher ou droitier.
Puis je vous salue, de la main sénestre,
Serrons-nous la main, là, tout uniment,
Gauchers ou droitiers, pareil qu'ambidextres
(On n'a que deux mains, fort heureusement). »
Les poètes, z‑émus z‑aux larmes (sic), échangent force poignées de mains – et quelques mouchoirs en papier.
Paris, mardi 25 avril 2017