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Le Poète et la Mort

Fable tragi-comique.
Quand la Mort fut enfin prête
À m'emmener – j'avais cent ans –,
J'étais un grand poète,
Le plus connu de tous les temps.

Je lui ai dit : « Ma très chère,
Vous ne pouvez agir ainsi :
Sachez qu'on me révère.
Sortez ! La porte est par ici !

Vous allez vraiment vous mettre
À dos toute l'Humanité.
Des poètes le maître
Ne peut être si mal traité.

Moult rimes par moi écrites
Parlent de vous ; au demeurant
Matière favorite
De tout poète (et des mourants).

Mon talent fut au service
Souvent de votre renommée,
Souffrez que je pâlisse
De vous dire : Mort, moi ? Jamais ! »

Mais la Mort – que Dieu la damne ! –
De sa mission investie,
Me dit : « Je te condamne !
Meurs et apprends la modestie !

La modestie ? Effarance...
Je ne connais pas ce mot-là.
La langue de la France
Aurait-elle son au-delà ? »

La Mort – gentille – : « J'explique :
Chez moi ni gloire ni honneur,
Et le pire excentrique
Est aussi bon que toi. Meilleur !

Ô la cruelle défaite !
Je serais dernier des derniers ?
Je suis un grand poète !
Tu étais... Pourquoi le nier ? »

Lors je sentis la colère
Étouffer mon cœur plein d'orgueil ;
L'orgueil est délétère...
Depuis je dors dans mon cercueil.

Moralité

Moi le beau, le fier, l'artiste,
Je pétais plus haut que mon cul.
La Mort m'a eu, c'est triste,
Par modestie. Honte au vaincu.
Davézieux, mercredi 9 avril 2014
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