Les Chants de la Matrice
(Chant VIII)
Méchante affabulatrice,
Ne saurait, esprit pervers,
Échapper à l'Univers
Et lui désobéir, même
La Matrice aux idées blêmes
Qu'Univers a mise là
Pour qu'elle fasse cela,
Qu'elle envoûte l'assistance
Des humains sans consistance,
Des hommes mal dégrossis,
Hommes et femmes aussi,
Pour que leurs âmes novices
Connaissent le mal, le vice
Et lui disent : « Vous mentez ! »
Sitôt expérimentées.
Et nous seuls, âmes folâtres,
Poètes (voir le chant IV),
Inquiétons, inspirés,
La Matrice exaspérée.
« Ces sires-là, ces poètes,
Sont de fort méchantes bêtes,
Des originaux, des fous
Hostiles aux garde-à-vous,
À la servitude, à l'ordre,
Prompts à rire autant qu'à mordre.
Mais ils versifient en vain
Et sont bien mauvais devins,
Qui dévoilent, turpitude,
La fin de la servitude.
Et j'aurais, d'effroi saisie,
À craindre la poésie ?
Pitoyable agitatrice ! »
Ainsi parle la Matrice
Pour mieux se persuader
Qu'il n'est bon qu'à parader,
Le poète imprévisible
– Qui pourtant voit l'invisible.
Annonay, lundi 8 avril 2024
(Cette poésie porte le numéro 8 sur 9)