Lettre au rêveur à la clé
Du monde intérieur où tu rêves parfois ;
Cela se passe ailleurs ; tu es souventes fois
Ce dormeur encerclé de rêves qui transportent
Des archanges rieurs venant jurer leur foi
Qu'ils t'aideront toujours à vaincre sans malice
Les tristes cauchemars du rêveur apeuré.
Les rêves que chamarre un grand Soleil doré,
Les songes où l'Amour tout doucement se glisse,
La Lune sur la mare, orbe démesurée,
Sont de ce monde-là ; la clé que tu possèdes,
De ce vaste univers où tu rêves souvent,
Que le poète en vers imagine en rêvant,
Ouvre cet au-delà.
Gloire au rêveur qui cède
En rouge, en jaune, en vert, coloris émouvants,
À la tentation de mettre en la serrure
De la porte qui clôt son monde intérieur
Sa clé ; que les sanglots, manne des larmoyeurs,
De toute affliction malheureuses parures,
En demeurent forclos, tourments inférieurs.
Alors tourne la clé, tourne-la et pénètre
Ce monde fabuleux dont tu rêves la nuit,
Ose, découvre-le, seule la crainte nuit,
Qui pousse à renâcler le doux rêveur, de n'être,
C'est juste scandaleux, sur les coups de minuit
Pas digne d'accueillir les rêves que chamarre
Un grand Soleil doré, l'Amour si précieux,
L'orbe démesurée, venue du fond des cieux
Sans jamais défaillir, d'Artémis sur la mare
Et des anges parés d'un souris gracieux.
L'adorable séjour... Bientôt la nuit t'inspire
Des rêves ravissants que hantent des Soleils
Aux feux éblouissants, à l'éclat nonpareil
Et des belles de jour qui pour ton cœur soupirent,
Fugace amour naissant aux creux de ton sommeil.
Le rêveur à la clé, c'est toi, c'est moi, sensibles
Qui croyons sans effort aux Soleils chatoyants,
Aux archanges si forts qu'il n'en est plus vaillants
Et à Phœbé cerclée de son orbe impossible.
Dedans ton monde, fors les cauchemars bruyants
Du rêveur atterré, tout est permis sans doute,
Les astres qu'Univers engendre sans compter,
Artémis à l'envers dans la mare effrontée,
Les grands Soleils dorés et l'Amour que redoute
La peur, être pervers qu'Amour seul sait dompter.
Tourne la clé, vas-y, tourne-la et pénètre
Ce monde fabuleux plein de songes charmants,
Tourne la clé, fais-le et deviens en dormant
Celui qu'aura choisi l'Amour pour mieux renaître.
Cet Amour, aime-le.
À toi, sincèrement,
Le poète endormi.
Annonay, jeudi 28 mars 2024