L'immortel
I. Immortalité
Moi je suis immortel, chantait-il à la ronde
Et quand l'orage gronde,
Quand la foudre me frappe et qu'on tremble d'horreur,
Je ris de sa fureur.
Moi je suis immortel, chantait-il avec morgue
Et jamais à la morgue
On me verra gésir avant que d'être mis
Dans le caveau promis.
Moi je suis immortel, humains, qu'on se le dise,
J'ai vu tant d'aubes grises
Et tant de matins clairs juste après qu'il a plu
Que je ne compte plus.
Moi je suis immortel et mon corps sans contrainte
Ne sait rien de la crainte
De la Mort, ô mortels sans faute trépassés
Dès qu'elle aura passé.
Moi je suis immortel et tous les vieux présages
Venus du fond des âges,
Je les ai vus faillir ; croyez-moi, faux dévots,
Seule la Mort prévaut.
Moi je suis immortel ; j'ai fait toutes les guerres,
Jadis comme naguère
J'y ai croisé la Mort : gloire à qui la brava !
Tiens ? C'est Vous ? Comment va ?
Moi je suis immortel, je l'ai dit sans entraves
Aux maîtres, mines graves,
Du pâle continent, les Slaves, les Romains,
Maîtres sans lendemains.
Moi je suis immortel, je l'ai dit sans ambages
Aux maîtres de passage
Du continent safran, aux Meiji, aux Mao
Tous partis voir là-haut.
Moi je suis immortel, je l'ai dit sans malice
Aux maîtres de service
Du continent de cuivre, aux Mayas, aux Incas
Que la Mort révoqua.
Moi je suis immortel, je l'ai dit sans manières
Aux maîtres éphémères
Du sombre continent, aux Bantous, aux Massi
Maintenant loin d'ici.
Moi je suis immortel, je l'ai dit à bien d'autres.
Messeigneurs, à la vôtre !
Rois, princes, empereurs, la Mort vous écarte et
Je reste et vous partez !
Moi je suis immortel, je connais de la Terre
Les secrets, les mystères
Et les secrets du temps, mortels qui me blâmez
Pour ne mourir jamais.
Moi je suis immortel ; j'ai vu s'en aller, certes,
Qui sont sous l'herbe verte,
Tant de vieux compagnons pour abandon de corps
Quand moi j'existe encor !
II. Prière
Des siècles ont passé, qui passeront toujours,
Chronos n'est pas pressé... De la Terre, séjour
De l'immortel, bientôt de complaisance empreinte,
Comme un doux lamento s'élève une complainte.
III. Lassitude
« Moi je suis immortel... J'ai tout vécu sans doute,
J'ai croisé sur ma route
Tout ce qui respirait et ne respire mais.
Quoi d'autre désormais ?
Moi je suis immortel... Père de tous les êtres,
Qui m'entendez peut-être,
J'aimerais tant vous voir, qui m'avez fait ainsi :
J'ai le cœur en souci !
— Moi qui suis immortel... cria la voix divine,
— C'est vous, je le devine !
— ... J'ai reconnu ta voix. Parle ! Que me veux-tu ?
— Père, j'ai débattu,
Moi qui suis immortel, qui vis et qui demeure
Au fil des ans qui meurent,
Avec la Mort souvent. — À quoi bon ? Pourquoi donc ?
— Père, pardon, pardon,
Oui, je suis immortel mais j'aimerais tant, Père...
— Dis ! Que veux-tu, prospère
Créature immortelle et de corps et d'esprit ?
— Mourir. Je vous en prie ! »
Moi je suis immortel, chantait-il à la ronde
Et quand l'orage gronde,
Quand la foudre me frappe et qu'on tremble d'horreur,
Je ris de sa fureur.
Moi je suis immortel, chantait-il avec morgue
Et jamais à la morgue
On me verra gésir avant que d'être mis
Dans le caveau promis.
Moi je suis immortel, humains, qu'on se le dise,
J'ai vu tant d'aubes grises
Et tant de matins clairs juste après qu'il a plu
Que je ne compte plus.
Moi je suis immortel et mon corps sans contrainte
Ne sait rien de la crainte
De la Mort, ô mortels sans faute trépassés
Dès qu'elle aura passé.
Moi je suis immortel et tous les vieux présages
Venus du fond des âges,
Je les ai vus faillir ; croyez-moi, faux dévots,
Seule la Mort prévaut.
Moi je suis immortel ; j'ai fait toutes les guerres,
Jadis comme naguère
J'y ai croisé la Mort : gloire à qui la brava !
Tiens ? C'est Vous ? Comment va ?
Moi je suis immortel, je l'ai dit sans entraves
Aux maîtres, mines graves,
Du pâle continent, les Slaves, les Romains,
Maîtres sans lendemains.
Moi je suis immortel, je l'ai dit sans ambages
Aux maîtres de passage
Du continent safran, aux Meiji, aux Mao
Tous partis voir là-haut.
Moi je suis immortel, je l'ai dit sans malice
Aux maîtres de service
Du continent de cuivre, aux Mayas, aux Incas
Que la Mort révoqua.
Moi je suis immortel, je l'ai dit sans manières
Aux maîtres éphémères
Du sombre continent, aux Bantous, aux Massi
Maintenant loin d'ici.
Moi je suis immortel, je l'ai dit à bien d'autres.
Messeigneurs, à la vôtre !
Rois, princes, empereurs, la Mort vous écarte et
Je reste et vous partez !
Moi je suis immortel, je connais de la Terre
Les secrets, les mystères
Et les secrets du temps, mortels qui me blâmez
Pour ne mourir jamais.
Moi je suis immortel ; j'ai vu s'en aller, certes,
Qui sont sous l'herbe verte,
Tant de vieux compagnons pour abandon de corps
Quand moi j'existe encor !
II. Prière
Des siècles ont passé, qui passeront toujours,
Chronos n'est pas pressé... De la Terre, séjour
De l'immortel, bientôt de complaisance empreinte,
Comme un doux lamento s'élève une complainte.
III. Lassitude
« Moi je suis immortel... J'ai tout vécu sans doute,
J'ai croisé sur ma route
Tout ce qui respirait et ne respire mais.
Quoi d'autre désormais ?
Moi je suis immortel... Père de tous les êtres,
Qui m'entendez peut-être,
J'aimerais tant vous voir, qui m'avez fait ainsi :
J'ai le cœur en souci !
— Moi qui suis immortel... cria la voix divine,
— C'est vous, je le devine !
— ... J'ai reconnu ta voix. Parle ! Que me veux-tu ?
— Père, j'ai débattu,
Moi qui suis immortel, qui vis et qui demeure
Au fil des ans qui meurent,
Avec la Mort souvent. — À quoi bon ? Pourquoi donc ?
— Père, pardon, pardon,
Oui, je suis immortel mais j'aimerais tant, Père...
— Dis ! Que veux-tu, prospère
Créature immortelle et de corps et d'esprit ?
— Mourir. Je vous en prie ! »
Annonay, dimanche 24 juin 2018