Mon vieux parapluie
À mon vieux pébroque, remplacé (et jeté) un mardi pluvieux d'octobre 2019
Je suis un ingrat, j'ai congédié
Mon vieux parapluie. Ah, ce mardi est
Jour funeste pour les vieux parapluies
Quand leur toit n'est plus étanche à la pluie.
Il n'avait rien fait depuis des semaines,
L'averse, l'ondée, rares phénomènes
De l'été défunt, jadis abondantes,
Ne déferlaient plus sur la terre ardente.
Or, l'eau de la nue qu'implorait, pardi,
La terre altérée tombe ce mardi,
Elle tombe à flots sur la terre nue,
Brave parapluie, sois le bienvenu.
Brave parapluie, peuchère, a des fuites
Et moi, l'idiot qui ai de la suite
Dans les idées dès qu'elles sont coupables,
J'ai sacrifié le pauvre incapable.
(Coupable en effet, l'idée qu'il fallait
Me débarrasser, tel un vieux balai
Qui n'a plus pour poils que chétifs moignons,
De mon parapluie, vaillant compagnon.)
Donc, sous l'eau du ciel, j'ai rallié, grâce
À mon parapluie, bientôt en disgrâce,
Le maroquinier pour faire l'emplette
D'un parapluie neuf : la farce est complète
Car, sitôt dehors, nouveau possesseur
De ce parapluie, fringant successeur
De mon vieux pépin, drame et déshonneur,
J'ai jeté le vieux dans un conteneur.
J'aurais pu pourtant, quand venait dimanche,
Le poser sur l'eau, comme mât son manche,
Navire étonnant dessus la grand-mare :
Canards matelots, larguez les amarres !
J'aurais pu lundi sous les sapins verts
Le planter bien droit, son toit grand ouvert
Pour servir d'abri, vaste champignon,
Les jours de bruine aux lapins mignons.
J'aurais pu jeudi l'offrir à ma belle,
Digne égyptologue, en guise d'ombrelle.
Pour l'ex-travailleur en milieu humide,
Retraite au soleil sous les Pyramides.
J'aurais pu bientôt chercher et trouver
Un taxidermiste à l'art éprouvé.
Un riflard ayant beaucoup travaillé
Ne l'a pas volé s'il est empaillé.
J'aurais pu enfin, sur l'eau mugissante,
Pour savoir leur nom, l'emmener, qu'il sente
Le souffle sacré, l'écumante haleine
De ces animaux qu'on nomme baleines.
J'aurais pu... Mais non. J'ai manqué d'entrain :
L'âpre ingratitude, hélas, m'a contraint
Et mon parapluie, glorieux héros,
Périt oublié dans un tombereau.
Moi qui ne sais pas faire ma prière,
Je veux bien prier la Pluie, le Tonnerre,
L'Orage et l'Éclair, panthéon baroque :
Soyez accueillants pour mon vieux pébroque.
S'il est au-delà de l'astre qui luit
Quelque paradis pour les parapluies,
Que mon brave ami, tout ragaillardi,
Soit le bienvenu dans ce paradis.
Et si, de ce lieu le pensionnaire,
Mon vieux parapluie demande au Tonnerre :
« Là ! Dans son jardin ! C'est mon ancien maître
Qui relève un peu son pluviomètre !
Faites-lui donc peur ! » et si pour le coup
Un bruit détonnant soudain me secoue,
Un bruit de tonnerre annonçant la pluie,
Lors je lèverai les yeux au ciel puis
Je dirai : « Salut, mon vieux parapluie ! »
Mon vieux parapluie. Ah, ce mardi est
Jour funeste pour les vieux parapluies
Quand leur toit n'est plus étanche à la pluie.
Il n'avait rien fait depuis des semaines,
L'averse, l'ondée, rares phénomènes
De l'été défunt, jadis abondantes,
Ne déferlaient plus sur la terre ardente.
Or, l'eau de la nue qu'implorait, pardi,
La terre altérée tombe ce mardi,
Elle tombe à flots sur la terre nue,
Brave parapluie, sois le bienvenu.
Brave parapluie, peuchère, a des fuites
Et moi, l'idiot qui ai de la suite
Dans les idées dès qu'elles sont coupables,
J'ai sacrifié le pauvre incapable.
(Coupable en effet, l'idée qu'il fallait
Me débarrasser, tel un vieux balai
Qui n'a plus pour poils que chétifs moignons,
De mon parapluie, vaillant compagnon.)
Donc, sous l'eau du ciel, j'ai rallié, grâce
À mon parapluie, bientôt en disgrâce,
Le maroquinier pour faire l'emplette
D'un parapluie neuf : la farce est complète
Car, sitôt dehors, nouveau possesseur
De ce parapluie, fringant successeur
De mon vieux pépin, drame et déshonneur,
J'ai jeté le vieux dans un conteneur.
J'aurais pu pourtant, quand venait dimanche,
Le poser sur l'eau, comme mât son manche,
Navire étonnant dessus la grand-mare :
Canards matelots, larguez les amarres !
J'aurais pu lundi sous les sapins verts
Le planter bien droit, son toit grand ouvert
Pour servir d'abri, vaste champignon,
Les jours de bruine aux lapins mignons.
J'aurais pu jeudi l'offrir à ma belle,
Digne égyptologue, en guise d'ombrelle.
Pour l'ex-travailleur en milieu humide,
Retraite au soleil sous les Pyramides.
J'aurais pu bientôt chercher et trouver
Un taxidermiste à l'art éprouvé.
Un riflard ayant beaucoup travaillé
Ne l'a pas volé s'il est empaillé.
J'aurais pu enfin, sur l'eau mugissante,
Pour savoir leur nom, l'emmener, qu'il sente
Le souffle sacré, l'écumante haleine
De ces animaux qu'on nomme baleines.
J'aurais pu... Mais non. J'ai manqué d'entrain :
L'âpre ingratitude, hélas, m'a contraint
Et mon parapluie, glorieux héros,
Périt oublié dans un tombereau.
Moi qui ne sais pas faire ma prière,
Je veux bien prier la Pluie, le Tonnerre,
L'Orage et l'Éclair, panthéon baroque :
Soyez accueillants pour mon vieux pébroque.
S'il est au-delà de l'astre qui luit
Quelque paradis pour les parapluies,
Que mon brave ami, tout ragaillardi,
Soit le bienvenu dans ce paradis.
Et si, de ce lieu le pensionnaire,
Mon vieux parapluie demande au Tonnerre :
« Là ! Dans son jardin ! C'est mon ancien maître
Qui relève un peu son pluviomètre !
Faites-lui donc peur ! » et si pour le coup
Un bruit détonnant soudain me secoue,
Un bruit de tonnerre annonçant la pluie,
Lors je lèverai les yeux au ciel puis
Je dirai : « Salut, mon vieux parapluie ! »
Annonay, mardi 5 novembre 2019