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POÉSIES DE MON CŒUR (a) POÉSIES DE MON CŒUR (i)
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Petite Capeline

Petite Capeline Les gens l'appelaient « Petite Capeline ». Elle avait 2 ans et demi. À l'été 1881, la gamine est enlevée, avec dix personnes de son peuple. Petite Capeline est née sur une île, en Terre de Feu. Sur les photos, nous la voyons nue, terrorisée, plaquée sur le sein de sa mère hébétée. Il pleut sur le pont du bateau. Elle a froid. Elle vogue vers l'Europe.

À la fin du XIXe siècle, Petite Capeline n'est pas considérée comme un être humain mais comme une « sauvage ». Elle et ses proches ont été achetés par l'imprésario allemand Carl Hagenbeck à un riche commerçant chilien. En Europe, aux États-Unis, l'exhibition d'animaux étranges ne suffit plus à rassasier les populations affamées d'exotisme. [...]

Lorsque Petite Capeline arrive au Havre, elle est accueillie par Geoffroy Saint-Hilaire, le directeur du Jardin d'acclimatation. Au bois de Boulogne, le public est déjà lassé des Nubiens, des Inuits. Mais jamais il n'a vu de Fuégiens. Pour le patron du parc d'attractions, l'intérêt économique est immense. [...] Petite Capeline et les siens sont parqués dans un enclos. Entre deux crèmes glacées, les 400 000 Parisiens leur jettent du gravier. [...]

Petite Capeline est morte d'une pneumonie au Jardin d'acclimatation, le 30 septembre 1881, quelques jours après son arrivée. « Petite fille fuégienne de 2 ans et demi, née à l'île L'Hermite (Terre de Feu), décédée hier à deux heures et demie du soir à Neuilly. Sans autre renseignement. », note le maire dans le registre de sa commune.
Extrait de l'article de Sorj Chalandon paru dans le Canard enchaîné
n° 5108 du 26 septembre 2018
I. Été 1881

C'était Petite Capeline,
Achetée par un mercanti
Là-bas, au Sud de l'Argentine,
Avec dix autres dénantis.

« Allons, Petite Capeline,
Il faut partir. Fuégiens,
En route – un peu de discipline ! –
Pour votre enclos parisien. »

« Adieu, Petite Capeline... »
Ta Terre pleure en camaïeu.
Demain tu seras orpheline
De la Terre de tes aïeux.

Peut-on, Petite Capeline,
Faire commerce des vivants ?
Tu t'en moques, tu dodelines
Ta petite tête en rêvant.

II. Août 1881

« Terre ! » Petite Capeline,
Bienvenue sur le sol français.
La pluie sur Paris dégouline,
Certes l'automne est avancé.

Comment, Petite Capeline,
Tu intrigues les citadins !
À pied, en calèche, en berline,
On se précipite au Jardin.

« Voilà Petite Capeline ! »
Disent les messieurs en habit
Et les dames en crinoline.
On s'ébahit, on s'ébaubit...

« On dit, Petite Capeline,
Que tu viens d'un pays lointain
Où les soirées sont d'opaline
Et couleur de feu les matins. »

« On dit, Petite Capeline,
Qu'il fait très froid dans ton pays.
Ann, votre robe en mousseline
Sous ce climat aurait failli ! »

« Allez, Petite Capeline.
Sois sûre que tous nos amis
Viendront tantôt, ma gosseline,
Te découvrir, juré, promis ! »

III. Samedi 1er octobre 1881

« Où est Petite Capeline ?
Ces sauvages l'ont-ils croquée ? »
On rit, on glousse, on bécassine
Quand sur l'enclos, ces mots marqués :

« Hier, Petite Capeline
Est morte d'une pneumonie. »
Le petit oiseau des collines
Ne retournera plus au nid,

La malheureuse capeline
S'est envolée au vent d'autan,
La rose au teint de coralline
Ne connaîtra pas le printemps

Mais moi, Petite Capeline,
Je te garde au chaud dans mon cœur,
Loin des marchands d'adrénaline,
À l'abri des regards moqueurs.

IV

J'ai fait, Petite Capeline,
Ces quatrains qui parlent de toi.
La vie paraît bien sibylline,
Des enfants que la mort côtoie !

Jamais, Petite Capeline,
Je n'oublierai, assurément,
La petite fille câline
Blottie tout contre sa maman.

C'était Petite Capeline,
Achetée par un mercanti
Là-bas, au Sud de l'Argentine,
Avec dix autres dénantis.
Annonay, lundi 7 janvier 2019
« Sauvages, au cœur des zoos humains », un film de P. Blanchart, B. Victor-Pujebet et C. Miller (format volontairement réduit à 480 x 270 pixels).

« Sauvages, au cœur des zoos humains »

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Petite Capeline

(lu par Éléonore)

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