Poeme pour toits

I

Ce bourg, je te l'assure, au moment où l'hermine,
Pelage nivéal, vêt ses atours d'hiver,
N'a qu'un seul idéal : que tu fasses trois vers,
Brave poète, sur le toit de ses chaumines.

Tu es, brave poète à la plume légère,
Celui que mon village a coopté pour eux,
Plume folle et volage ou stylet rigoureux,
Ses toits où la chouette au long de la nuit erre.

Poète, applique-toi(t) ; sais-tu que les chouettes
Savent lire les vers dans la neige gravés ?
Surtout sur les couverts quand la Lune est levée
Et qu'au chaud sous son toit, l'on dort sous la couette.

Toi(t) aussi, mon poète, es un oiseau nocturne
Qui dès la nuit tombée fait des vers pour Vénus,
Jupiter et Phébé, Mars, Mercure, Uranus
Et quelque ample comète et la belle Saturne.

« Les printemps sont un peu le miroir de l'automne,
Les hivers sont, pardi, des étés à rebours »,
Voilà ce que se dit certains soirs le vieux bourg
Qui rime comme il peut ces choses qui l'étonnent.

Pour lui, je t'en informe, au moment où bientôt
L'hiver frileux revient, lorsque blanchit l'hermine,
Poète, t'en souviens : de ta plus jolie mine,
Fais trois vers, pour la forme appassionato.

Toi(t) aussi mon poète, es un oiseau de nuit
Qui hante les contrées où Phébé s'aventure
Et qui, de quelques traits gravés sur les toitures,
Amuse la chouette en chassant son ennui.

II

Alors dans la nuit claire où la Lune musait,
Sur les toits du vieux bourg où rêvait la chouette,
Des vers parlant d'amour tracés par le poète
Eurent cet heur de plaire à la belle amusée.

III

Quand la Lune dès lors brille sur le vieux bourg
Et sur les toits pentus où trône la chouette,
Dans la neige, vois-tu ta plume de poète
Écrire, écrire encor des vers parlant d'amour ?

Lors les nuits d'hiver où, loin des nuages gris,
La Lune resplendit, la plume du poète
Dessine trois vers qui ravissent la chouette
Et tout vêtu de roux, quelque vieux mistigri.