Tableaux de mon bistrot
I
Assis dans son coin, le geste tremblant,
Regarde-le boire ; il a l'habitude
De prendre un p'tit blanc.
C'est un bon remède à la solitude,
Ça nettoie le cœur, ça fait pas semblant,
Pas d'inquiétude !
« On dirait Gnafron... Détail accablant,
L'a le pif qui part... en décrépitude !
— Oui, c'est ressemblant ! »
Assis dans son coin – l'âme en hébétude –,
Regarde-le boire ; il prend son p'tit blanc,
Il a l'habitude.
II
Derrière le bar, debout, l'homme-tronc,
Regarde-le bien ; il essuie ses verres,
Lui, c'est le patron.
Il a la pratique ; il prend l'air sévère
Quand il faut calmer l'autre pochetron...
« Abel, t'exagères !
T'en as bu assez ! » Pauvre Abel-Gnafron !
Il lichera pas, chacun son calvaire,
Le cul du litron.
Derrière son bar – y' a toujours à faire –, (1)
Regarde-le bien ; lui, c'est le patron,
Il essuie ses verres.
III
Au fond de la salle, oublieux de tout,
Regarde-les faire ; on se plaît sans doute,
On s'aime surtout.
Ils sont dans leur monde, eux, ils ne redoutent
Rien puisque leur cœur, tra lalaïtou,
Chante : « Écoute, écoute
Ce que dit mon cœur... — Et le mien itou ! »
On boit son lait chaud, la dernière goutte
Est pour le matou.
Au fond de la salle – en bas, sous la voûte –,
Regarde-les faire ; on s'aime surtout,
On se plaît sans doute.
IV
Depuis ton miroir – je te vois dedans,
Regarde-les tous, mon autre moi-même,
Mon vieux confident.
Dieu, quel inventaire ! Ivrogne au teint blême,
Patron rouspéteur, amoureux ardents –
Et un café-crème.
Mais c'est mon bistrot... En goguenardant,
Vous ai-je fâchés ? Pourtant je vous aime,
Santé ! En partant,
Depuis ton miroir – fameux stratagème ! –,
Regarde-les tous, mon vieux confident,
Mon autre moi-même.
On revient demain, mon cœur, sois content !
Assis dans son coin, le geste tremblant,
Regarde-le boire ; il a l'habitude
De prendre un p'tit blanc.
C'est un bon remède à la solitude,
Ça nettoie le cœur, ça fait pas semblant,
Pas d'inquiétude !
« On dirait Gnafron... Détail accablant,
L'a le pif qui part... en décrépitude !
— Oui, c'est ressemblant ! »
Assis dans son coin – l'âme en hébétude –,
Regarde-le boire ; il prend son p'tit blanc,
Il a l'habitude.
II
Derrière le bar, debout, l'homme-tronc,
Regarde-le bien ; il essuie ses verres,
Lui, c'est le patron.
Il a la pratique ; il prend l'air sévère
Quand il faut calmer l'autre pochetron...
« Abel, t'exagères !
T'en as bu assez ! » Pauvre Abel-Gnafron !
Il lichera pas, chacun son calvaire,
Le cul du litron.
Derrière son bar – y' a toujours à faire –, (1)
Regarde-le bien ; lui, c'est le patron,
Il essuie ses verres.
III
Au fond de la salle, oublieux de tout,
Regarde-les faire ; on se plaît sans doute,
On s'aime surtout.
Ils sont dans leur monde, eux, ils ne redoutent
Rien puisque leur cœur, tra lalaïtou,
Chante : « Écoute, écoute
Ce que dit mon cœur... — Et le mien itou ! »
On boit son lait chaud, la dernière goutte
Est pour le matou.
Au fond de la salle – en bas, sous la voûte –,
Regarde-les faire ; on s'aime surtout,
On se plaît sans doute.
IV
Depuis ton miroir – je te vois dedans,
Regarde-les tous, mon autre moi-même,
Mon vieux confident.
Dieu, quel inventaire ! Ivrogne au teint blême,
Patron rouspéteur, amoureux ardents –
Et un café-crème.
Mais c'est mon bistrot... En goguenardant,
Vous ai-je fâchés ? Pourtant je vous aime,
Santé ! En partant,
Depuis ton miroir – fameux stratagème ! –,
Regarde-les tous, mon vieux confident,
Mon autre moi-même.
On revient demain, mon cœur, sois content !
Annonay, samedi 13 mai 2017
(1) Synérèse sur y' a (ia)