Un rêve bizarre
(Le Maître du Ciel)
J'ai fait l'autre nuit, sous la Lune ronde
Qui brille là-haut d'un éclat fervent,
Un rêve bizarre. Où la Lune abonde,
Ils sont abondants, les rêves souvent.
Le Maître du Ciel, entends : de l'Empire
Invisible, certe et réel pourtant,
Où nous en irons sitôt qu'elle expire,
La vie qui s'enfuit, qu'on laisse en partant,
Le Maître du Ciel, dis-je, venait faire
L'information du pauvre mortel.
Rêves, êtes-vous, messagers des sphères,
Les courriers des dieux qu'on prie sur l'autel ?
« Or ça, me dit-il, sais-tu, petit homme,
Que tu as vécu maintes vies déjà ?
Tu vivras encor maintes vies ; vois comme
Le monde est magique, où tu t'immergeas.
— Je sais, répondis-je, et je sais bien, dame,
Que l'âme y fait son éducation.
Je vivrai encore, et tant que mon âme
N'aura pas atteint la perfection.
Mais je ne suis pas de ceux qui se plaignent ;
Le monde est magique et naître homme c'est
La phase finale avant qu'on atteigne
La perfection : c'est tout – c'est assez !
— Or ça, répliqua le Maître suprême,
Tu vois le bout de ton chemin de croix ?
Hélas, petit homme, hélas, le barème
Des âmes n'est pas comme tu le crois !
Pour être homme, hélas, de tes galipettes
Tu n'es qu'au début. L'âme doit passer
Par maints avatars, de l'homme à la bête
Pour gagner le Ciel : c'est tout – c'est assez.
L'homme est un avide, il faut qu'il possède
Tout ce qu'il amasse avec passion.
Pour être nanti, trop souvent il cède
À son penchant pour la possession.
La gent animale, à tous les étages,
Ne possède rien, la vie exceptée.
Cela te revient (le bel héritage !),
Tu seras ainsi, te faut l'accepter.
Quand ton âme aura cette compétence,
Qu'elle sera prête à considérer
Tous les avatars qui font l'existence,
Sans s'apitoyer ni désespérer,
Alors, petit homme, en coléoptère,
En cerf ou en coq, tu t'incarneras,
Ou, que sais-je encore, en parasitaire,
En poisson des mers, en âne ou en rat... »
Il ignore tout, le réveil qui sonne,
Des rêves qu'on fait dès qu'on s'assoupit.
Le jour se levait : plus rien, plus personne,
Le Maître du Ciel avait déguerpi.
Lui-même assoupi dessus la couette,
La patte posée sur ses yeux fermés,
Il se réveillait, le chat du poète,
Qui sommeillait là – l'auteur le permet.
Lors, d'un œil nouveau plein de déférence,
Je considérai le matou replet.
Entre nous, minet, quelle différence ?
Je sais maintenant, pour être au complet,
Qu'il faut aux vivants un corps et une âme ;
Qu'ils naissent humains, qu'ils soient animaux,
C'est même rengaine et même programme :
Du Maître du Ciel, ce sont là les mots.
Rois et empereurs, fieffés psychopathes
Du pouvoir, craignez pour vos dynasties ;
Un jour, vous irez, Sire, à quatre pattes,
Voilà qui contraint à la modestie.
Puis moi, le poète aux rêves bizarres,
Quand la Lune abonde, à l'éclat grisant,
Je me souviendrai, naguère barbare,
Du Maître du Ciel : je sais à présent !
Qui brille là-haut d'un éclat fervent,
Un rêve bizarre. Où la Lune abonde,
Ils sont abondants, les rêves souvent.
Le Maître du Ciel, entends : de l'Empire
Invisible, certe et réel pourtant,
Où nous en irons sitôt qu'elle expire,
La vie qui s'enfuit, qu'on laisse en partant,
Le Maître du Ciel, dis-je, venait faire
L'information du pauvre mortel.
Rêves, êtes-vous, messagers des sphères,
Les courriers des dieux qu'on prie sur l'autel ?
« Or ça, me dit-il, sais-tu, petit homme,
Que tu as vécu maintes vies déjà ?
Tu vivras encor maintes vies ; vois comme
Le monde est magique, où tu t'immergeas.
— Je sais, répondis-je, et je sais bien, dame,
Que l'âme y fait son éducation.
Je vivrai encore, et tant que mon âme
N'aura pas atteint la perfection.
Mais je ne suis pas de ceux qui se plaignent ;
Le monde est magique et naître homme c'est
La phase finale avant qu'on atteigne
La perfection : c'est tout – c'est assez !
— Or ça, répliqua le Maître suprême,
Tu vois le bout de ton chemin de croix ?
Hélas, petit homme, hélas, le barème
Des âmes n'est pas comme tu le crois !
Pour être homme, hélas, de tes galipettes
Tu n'es qu'au début. L'âme doit passer
Par maints avatars, de l'homme à la bête
Pour gagner le Ciel : c'est tout – c'est assez.
L'homme est un avide, il faut qu'il possède
Tout ce qu'il amasse avec passion.
Pour être nanti, trop souvent il cède
À son penchant pour la possession.
La gent animale, à tous les étages,
Ne possède rien, la vie exceptée.
Cela te revient (le bel héritage !),
Tu seras ainsi, te faut l'accepter.
Quand ton âme aura cette compétence,
Qu'elle sera prête à considérer
Tous les avatars qui font l'existence,
Sans s'apitoyer ni désespérer,
Alors, petit homme, en coléoptère,
En cerf ou en coq, tu t'incarneras,
Ou, que sais-je encore, en parasitaire,
En poisson des mers, en âne ou en rat... »
Il ignore tout, le réveil qui sonne,
Des rêves qu'on fait dès qu'on s'assoupit.
Le jour se levait : plus rien, plus personne,
Le Maître du Ciel avait déguerpi.
Lui-même assoupi dessus la couette,
La patte posée sur ses yeux fermés,
Il se réveillait, le chat du poète,
Qui sommeillait là – l'auteur le permet.
Lors, d'un œil nouveau plein de déférence,
Je considérai le matou replet.
Entre nous, minet, quelle différence ?
Je sais maintenant, pour être au complet,
Qu'il faut aux vivants un corps et une âme ;
Qu'ils naissent humains, qu'ils soient animaux,
C'est même rengaine et même programme :
Du Maître du Ciel, ce sont là les mots.
Rois et empereurs, fieffés psychopathes
Du pouvoir, craignez pour vos dynasties ;
Un jour, vous irez, Sire, à quatre pattes,
Voilà qui contraint à la modestie.
Puis moi, le poète aux rêves bizarres,
Quand la Lune abonde, à l'éclat grisant,
Je me souviendrai, naguère barbare,
Du Maître du Ciel : je sais à présent !
Annonay, samedi 13 novembre 2021