Vers pour une précieuse littéraire
qui ne l'était pas tant que ça (précieuse)

I

C'est une bien belle chose
Que d'aimer et d'être aimé.
Dans les salons où l'on cause,
C'est chose fort estimée.

Elle rend les cœurs moroses,
La passion, s'il omet,
Le galant qu'elle indispose,
De promptement l'affirmer.

L'amant qui demain propose
L'amour sans le réclamer
Connaîtra l'apothéose,
Aphrodite le permet.

Aussi bien souffrez que j'ose
Vous appeler mon aimée
Et recevez ces trois roses
Doucettement parfumées.

Si vous préférez la prose,
Moi je préfère rimer
Mais qu'importe quand s'impose
L'amour à nos cœurs charmés.

II

Mais que vois-je ? On se déchausse...
Qu'est-ce à dire ? Et vous riez !
Est-ce de moi qu'on se gausse,
Pauvre poète raillé ?

Ciel ! À grands gestes véloces,
Vous délacez vos œillets !
Pour quel immoral négoce ?
Madame, je défaille et...

... Je quitte mes idées fausses
En voyant émerveillé
(Quelque chose en moi se hausse)
Votre corps déshabillé.

La vieille fée Carabosse
Pour sûr vous avait rayée
De la liste de ces gosses
Qu'elle a jadis effrayés.

Que Vénus sans faute exauce
Nos souhaits. S'encanailler,
Quel glorieux sacerdoce !
Avec moi venez prier

Éros aux talents précoces,
Tous à l'Amour dédiés.
Célébrons un peu nos noces,
Approchez-vous... Ça y est... !

Quelle rondeur, votre prose,
Je tiens à le confirmer :
Vous savez si bien y faire
Que j'en oublie de rimer.

Votre prose est méritoire,
Mes vers bons à déclamer,
Mêlons-les, concept notoire,
Pour jouer aux bouts-rimés

Et consignons cette histoire
Pour les esprits éveillés,
La plume sur l'écritoire,
La tête sur l'oreiller.

III

Si vous préférez la prose,
Moi je préfère rimer,
C'est égal, la belle chose
Que d'aimer et d'être aimé !